La personnalité du président du Front démocrate et ancien député européen détonne, dans la primaire de la gauche. Jean-Luc Bennahmias entend miser sur sa sincérité pour faire bouger les lignes, à l'approche du premier tour ce dimanche.
On parle beaucoup de vous depuis le premier débat. Comment définiriez-vous le «style Bennahmias» ?
Je ne suis pas dans une posture. Quand on me compare à Bourvil, je n’y vois aucun inconvénient, bien au contraire ! De même d’ailleurs que certains me comparent à Henri Krasucki, cela me va aussi. Ce sont des gens intelligents, humains, qui ont porté des idées et des valeurs. Mais c’est vrai qu’en me présentant face à des millions de personnes, je m’attendais aussi à ce qu’il n’y ait pas que des encouragements.
Vous semblez détendu. Ne craignez-vous pas d’effrayer un certain nombre d’électeurs ?
Pourquoi voulez-vous que je les effraie ? La monarchie républicaine de la Ve République est une chose terminée. Il n’y aura plus de de Gaulle ou de Mitterrand dans l’avenir. On est d’ailleurs l’un des seuls pays d’Europe à penser que le président de la République doit tout faire, tout savoir, tout décider. Non, le président n’est pas là pour être le sauveur suprême. Tout cela est complétement dépassé.
Et puis, je n’étais pas non plus si décontracté que cela lors du début de la première émission, loin de là ! J’étais comme les autres, relativement stressé. Ce n’est pas facile de parler devant quatre millions de personnes. Je ne joue pas ! Je suis moi-même.
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Vous êtes favorable à la légalisation du cannabis. Mais en affirmant en avoir déjà fumé à une heure de grande écoute, n’avez-vous pas peur de desservir le sujet ?
C’est une question sérieuse. Des millions de personnes qui fument ou ont fumé du cannabis en France sont vraiment très heureux que ce tabou commence un peu à sauter, je ne dessers en rien quoi que ce soit. Il faut aussi penser aux gens malades qui en utilisent à visée thérapeutique. Pour eux, cela n’est ni joyeux, ni récréatif : le cannabis les soulage.
L’agriculture occupe une place importante dans votre programme. Ce sujet est-il le grand oublié des politiques ?
Il n’est pas normal que la France soit passée de millions d’agriculteurs à quelques milliers. Notre pays peut disposer d’un million d’agriculteurs sans aucun problème, la surface du territoire le permet. L’utilisation de nos ressources agricoles aussi. Nous ne sommes pas non plus obligés d’avoir des fermes qui dépassent la centaine d’hectares ! Justement, l’agriculture saine ou bio permet, avec quelques hectares, d’avoir des revenus suffisants pour vivre dans sa ferme.
Vous êtes écologiste. La fin du nucléaire est-elle une priorité, dès aujourd’hui ?
Tout de suite, non. La loi sur la transition énergétique me parait être un bon compromis : on abaisse la part de nucléaire dans la production d’électricité avant 2025 de 75 % à 50 %. Mais le nucléaire n’est pas l’avenir. A un moment donné, il faudra savoir avant 2050 se passer de la production d’énergie nucléaire, en passant à 100 % d’énergies renouvelables pour la production d’électricité. La construction des EPR est un gouffre financier qui risque même de mettre à mal l’existence même de l’électricité de France.
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Comme Benoît Hamon, vous êtes favorable à l’instauration du revenu universel. N’est-il pas injuste de verser la même somme aux personnes aisées et pauvres ?
La personne très aisée le remboursera sans problème en impôt. Ce qui est injuste, aujourd’hui, c’est que par exemple 40 % des agriculteurs touchent 450 euros par mois de revenus et qu’ils ne vivent pas de leur travail. Je peux aussi citer les artisans et commerçants dans les milieux ruraux ou en difficulté. Le revenu universel permet de les maintenir dans leur activité. C’est la seule proposition nouvelle par rapport à la création d’emplois depuis 40 ans. Si les autres idées, de droite comme gauche, avaient réussi, cela se saurait.
Vous avez été reçu à de nombreuses reprises par François Hollande à l’Elysée. Quelle a été selon vous sa principale erreur ?
Il y a eu des problèmes de communication. Après les attentats, par exemple, il savait parler aux Français et agir. Sur le reste, concernant le cap à tenir, il avait le plus grand mal à être direct, compréhensible, lisible. C’est étonnant.
Cela ne correspond pas à l’homme que vous connaissez ?
Non ! Je côtoie François Hollande depuis les années 1980. L’homme est étonnant. A chaque fois que l’on sort d’une rencontre avec lui à l’Elysée, c’est sympathique, mais qu’en a-t-il retenu ? On ne le sait jamais.
Je lui garde une amitié vraie et je trouve qu’il a bien eu raison de renoncer à se représenter car les Français ne le comprenaient plus. C’est noble, ce qu’il a fait.
Soutiendrez-vous le vainqueur de la primaire, quel qu’il soit ?
Oui, je l’ai signé et je le ferai. Après, face à Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, chacun devra trouver le sens de l’intérêt général pour savoir si on a une chance, à gauche, d’être présent au deuxième tour de la présidentielle. A ce sujet, la pression des électeurs progressistes sera très forte.