Les Français n'ont pas forcément marqué la date du dimanche 28 septembre dans leurs agendas. Les grands électeurs, si. Ils voteront pour les élections sénatoriales. Voici les enjeux politiques et institutionnels d'un scrutin qui pourrait être décisif pour la suite du quinquennat de François Hollande.
Qui va voter pour qui dimanche ?
C'est la grande particularité des élections sénatoriales. Les électeurs sont en réalité des grands électeurs. C'est un corps électoral très réduit, composé de maires, de délégués de conseils municipaux, de conseillers généraux et régionaux entre autres. Ils sont 88.420 à être appelés aux urnes. Et disons qu'ils n'ont pas le choix. S'ils ne votent pas dimanche, ils écoperont d'une amende de 100 euros. Ils voteront dans leur département pour élire les sénateurs de leurs départements.
La moitié des départements est concernée par cette élection. Et leurs grands électeurs devront désigner 178 sénateurs pour un mandat de six ans afin de renouveller la moitié de la haute assemblée, comme tous les trois ans. Dans les 34 départements élisant deux sénateurs ou moins, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. Dans les 29 autres, élisant plus de deux sénateurs, l'élection a lieu à la proportionnelle à la plus forte moyenne. Pour les élections de dimanche, il n'y a pas moins de 1 719 postulants, dont 726 femmes. Un record. Parmi eux, 117 sénateurs sont candidats à leur propre succession.
Comprendre les élections sénatoriales du 28... par Senat
Le Sénat peut-il basculer à droite ?
Sur le papier, la victoire de la droite semble acquise. Surtout après la cuisante défaite de la gauche aux élections municipales du printemps 2014. Seulement, la situation est plus subtile qu'il n'y parait. D'une part, parce que la droite remet en jeu plus de sièges que la gauche. La droite y a donc potentiellement plus à perdre. La gauche remet en jeu 45% de ses sièges quand la droite en remet...55%.
D'autre part, parce que le mode de scrutin a changé. Autrefois les départements qui élisaient trois sénateurs, les élisaient au scrutin majoritaire. Désormais, c'est au scrutin proportionnel. Concrètement, là où la droite était majoritaire, elle raflait trois sièges. Désormais, elle devra, même si elle majoritaire, les partager avec la gauche. Elle n'en aurait plus que deux et la gauche un. La droite va donc immanquablement perdre des sièges. Enfin, la multiplication des listes dissidentes à droite et la présence du FN achèveront de disperser les voix pour la droite. Aussi, le Sénat peut très bien rester à gauche.
Le FN peut-il faire son entrée ?
Le Front national espère entrer pour la première fois au Palais du Luxembourg. Le parti de Marine Le Pen présente des candidats dans tous les départements métropolitains. Mais en réalité, il n'a de réelles chances que dans deux. Le Var et les Bouches du Rhône, où le FN pourrait faire élire un sénateur.
Un ou deux sénateurs, cela aurait peu de conséquences institutionnelles. Sans groupe politique, le FN serait très isolé et disposerait de très peu de moyens. Son seul pouvoir serait de pouvoir jouer les arbitres au moment de l'élection du Président du Sénat. Sa voix sera précieuse si le rapport droite/gauche est très ténu, comme cela est probable. Il serait alors arbitre de l'élection pour décrocher le Plateau.
Qu'est ce qui changerait avec une majorité de droite ?
Une majorité UMP-centre pourra utiliser toutes les ficelles parlementaires pour donner des cheveux blancs à Manuel Valls. En retoquant des projets de lois par exemple ou en retardant son examen. Mais au bout du compte le Sénat n'aura pas le dernier mot, puisque ce rôle est dévolu à l'Assemblée nationale.
Mais avec le Sénat, la droite pourra influer sur l'ordre du jour du gouvernement. Sans avoir le contrôle total de l'agenda, la droite aura la capacité de créer un rapport de forces avec l'exécutif et imposer des débats politiques, dans l'hémicycle. Enfin l'influence de la droite augmentera également en commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, qui se mettent en place pour concilier les deux assemblées sur un texte commun.
Est-ce que des projets de lois pourraient être remis en cause ?
Oui. Même majoritaire dans les deux chambres, la gauche n'a pu jusqu'ici mener de réformes constitutionnelles promises par François Hollande. A l'instar du droit de vote des étrangers ou du statut pénal du chef de l'Etat par exemple. Et comme le gouvernement doit trouver une majorité des 3/5e dans les deux chambres pour changer la Constitution, autant dire qu'avec un Sénat à droite ces préannonces passeraient aux oubliettes.
Sans parler de la réforme territoriale qui prévoit la remise en cause des départements, un nouveau découpage régional et un plus faible pouvoir aux maires. Or ne l'oublions pas, le Sénat représente constitutionnellement les collectivités locales. Et elles sont plutôt frileuses devant les évolutions proposées.
Et un président du Sénat de droite, quelles conséquences ?
Le président du Sénat n'est pas n'importe qui. Il est considéré comme le deuxième personnage de l'Etat. Il assure l'intérim en cas d'empêchement du président de la République, de décès ou de démission. Qui plus est, le président du Sénat dispose d'un important pouvoir de nominations. C'est lui qui désigne entre autres trois des neuf membres du Conseil constitutionnel et un du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
En outre, le président du Sénat doit être obligatoirement consulté par le chef de l'Etat avant toute dissolution de l'Assemblée nationale. Il peut saisir de plein droit le Conseil constitutionnel ou le Conseil d'Etat sur une proposition de loi. Son rôle institutionnel n'a donc rien d'honorifique.
Si la droite passe, qui sera élu président du Sénat ?
Si elle décroche une quinzaine de sièges supplémentaires, la droite devrait être majoritaire au Sénat. Se posera alors la question de savoir qui les sénateurs éliront au Plateau, le Perchoir du Sénat. Trois sénateurs sont d'ores et déjà candidats. Que des poids lourds, que des UMP.
Il ya Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, et favori des médias. Il avait échoué en 2008 à la présidence, battu par celui qui est sans doute le vrai favori, des sénateurs cette fois, Gérard Larcher. Président du Sénat entre 2008 et 2011, l'ancien ministre est très proche des sénateurs de base.
Reste Philippe Marini, actuel président de la prestigieuse Commission des Finances, sénateur depuis 1992. Il fait figure d'outsider. Quelques soit le vainqueur, c'est toute l'UMP qui comptera sur lui pour reconstruire le parti dans la perspective de 2017.