Aquilino Morelle, 51 ans, proche conseiller et plume du président mais aussi personnalité controversée de l'Elysée, a été fauché alors qu'il était en pleine ascension dans le nouveau dispositif mis en place par François Hollande.
Celui qui avait inspiré le fameux discours du Bourget de janvier 2012, dans lequel le candidat proclamait : "Mon véritable adversaire c'est la finance", chute sur des soupçons de conflit d'intérêts.
L'ex-médecin, passé par l'ENA, est accusé par le site d'information Mediapart d'avoir "travaillé en cachette pour des laboratoires pharmaceutiques" quand il était inspecteur général des affaires sociales (Igas), et en particulier d'avoir touché en 2007 12.500 euros d'un laboratoire danois, Lundbeck.
Ancien directeur de campagne d'Arnaud Montebourg, chantre de la démondialisation lors de la primaire socialiste de 2011, avant de se mettre au service du vainqueur de la compétition François Hollande, Aquilino Morelle avait récemment pris du galon à l'Elysée, ajoutant à son titre de conseiller politique celui de directeur de la communication.
Mais il n'a jamais vraiment réussi à intégrer le cercle des hollandais historiques qui ont toujours regardé avec méfiance, voire animosité cet homme volontiers affable, dont le bureau jouxtait celui du président.
Les révélations au vitriol de Mediapart sur sa conduite à l'Elysée, et notamment la scène le décrivant en train de faire cirer ses nombreuses et luxueuses chaussures dans un salon de l'hôtel Marigny, ont rapidement délié les langues dans l'entourage du chef de l'Etat.
Avec lui on "se demande où est la République exemplaire", estimait ainsi dès jeudi un proche du président. "Il est à mille lieues du fonctionnement de François Hollande", tranchait un autre estimant que désormais ce dernier ne pouvait pas "prendre le risque de le garder".
Régulièrement, des amis de longue date du président pestaient contre "les manières de petit marquis" du conseiller énarque l'accusant de s'emporter régulièrement contre le personnel de l'Elysée, mais surtout de couper le président de la réalité.
Certains insinuaient même qu'il s'attribuait indûment la rédaction de certains discours du président, comme le suggère également le site Mediapart.
Enfant de la méritocratie
Les rapports d'Aquilino Morelle avec l'ex-secrétaire général Pierre-René Lemas s'étaient notoirement détériorés dans les dernière semaines. Récemment, des journalistes avaient ainsi vu annulé au dernier moment leur rendez-vous avec le numéro 2 de l'Elysée au profit de M. Morelle.
L'ex-conseiller élyséen est en revanche un proche de longue date du nouveau Premier ministre. Plume de Lionel Jospin de 1997 à 2002, quand Manuel Valls était le communicant de l'ancien chef du gouvernement, les deux hommes s'étaient retrouvés en tandem en janvier 2012 aux manettes de la communication dans l'équipe de campagne de François Hollande.
C'est d'ailleurs Manuel Valls, lui-même, qui a conseillé à son ex-coéquipier de démissionner vendredi matin.
Né le 5 juin 1962 à Paris dans une famille d'immigrés espagnols modestes, père ouvrier chez Citroën à Nanterre, mère femme au foyer, Aquilino Morelle a suivi un parcours atypique pour gravir les échelons de la méritocratie.
Interne des hôpitaux de Paris (1985/88), docteur en médecine, élève de l'ENA (promotion "Condorcet", 1990/92), licencié en philosophie à la Sorbonne, il est remarqué au grand oral de l'ENA, par Pierre Moscovici, futur ministre socialiste, qui lui présente M. Jospin.
Professeur associé à l'université Paris I-Sorbonne, il a également été directeur associé de l'agence de communication Euro RSCG, chargé de mission auprès du directeur général de Génopole, directeur général adjoint de MediTech Santé Paris Région.
En revanche il n'a jamais réussi à être élu. En 2001, candidat PS dans la ville de Nontron en Dordogne, il est battu par le maire sortant. En 2007, il retire sa candidature au 2e tour des législatives en Seine-Maritime (Lillebonne).
L'ex-plume du président est également l'auteur de plusieurs ouvrages et notamment d'un rapport intitulé "Enquête sur le Mediator" (en collaboration avec Anne-Carole Bensadon et Etienne Marie, rapport de l'Igas, janvier 2011).
Compagnon de Laurence Engel, directrice du cabinet de la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti, Aquilino Morelle est père de cinq enfants, nés de deux unions.