Son élection triomphale en 2000 après un quart de siècle d'opposition avait inspiré le respect: aujourd'hui, Abdoulaye Wade, 85 ans, resté sourd aux appels à ne pas briguer un nouveau mandat, est contraint d'affronter un de ses anciens proches au second tour de la présidentielle.
Cette confrontation avec son ex-Premier ministre Macky Sall, qu'il avait fait roi avant de s'en séparer sans ménagement en 2008, constitue un revers pour le président sortant qui, tout au long de sa campagne électorale s'était déclaré sûr de sa victoire au premier tour, comme en 2007, avec plus de 50% des voix.
Son élection en 2000 avait suscité d'immenses espoirs après 40 ans de pouvoir socialiste du premier président et poète Léopold Sédar Senghor, puis de son dauphin Abdou Diouf, lequel avait reconnu sa défaite face à M. Wade, renforçant l'image du Sénégal comme modèle de démocratie en Afrique.
Douze ans après, de nombreux Sénégalais affirment ne pas comprendre la volonté de rester au pouvoir de ce patriarche qui a contribué à doter son pays de nouvelles infrastructures et rate l'occasion de partir du pouvoir la tête haute, pacifiquement.
Or, pendant le mois ayant précédé le premier tour du 26 février, de 6 à 15 personnes sont mortes selon les sources, au moins 153 ont été blessées dans des violences liées à la contestation de sa candidature.
"Faux ! Pas forcé", s'intitule la dernière chanson du groupe de rap à l'origine du mouvement citoyen "Y'en a marre", à la pointe du combat contre la nouvelle candidature du président. "Sors par la grande porte avant que l'on ne te chasse (...) Abdoulaye! Faut pas forcer", disent les paroles.
Imaginatif au puissant ego, "Gorgui" (le vieux, en langue nationale wolof) est "le bâtisseur", "le modernisateur" pour les uns, "le monarque" ou "l'illusionniste" pour les autres.
Né officiellement le 29 mai 1926, fils de négociant, Wade obtient une bourse pour poursuivre sa scolarité en France et étudie au prestigieux lycée parisien Condorcet, puis à Besançon où il rencontre sa future épouse française, Viviane Vert, avec qui il aura un garçon, Karim, et une fille, Sindiély.
Diplômé en droit, en économie et en mathématiques appliquées, il rentre au pays en 1960, année de l'indépendance, enseigne le droit puis ouvre un cabinet d'avocat.
Alors que Senghor préside avec un parti unique, Wade le convainc en 1974 de le laisser créer le Parti démocratique sénégalais (PDS). Sous le régime Diouf, il est arrêté, emprisonné plusieurs fois. Grand orateur, l'opposant devient "président de la rue publique".
En 2000, il a 74 ans lorsqu'il accède enfin au sommet, à sa cinquième tentative. En 2007, il est réélu pour un quinquennat, mais a, depuis, modifié la Constitution pour rétablir le septennat.
Systématiquement, le président, a écarté ses proches qui lui faisaient de l'ombre, à l'exception de son fils Karim, omniprésent: "super ministre", il cumule plusieurs portefeuilles et son père, qui l'encense, aimerait qu'il lui succède, selon d'anciens proches devenus opposants.
Abdoulaye Wade balaie d'un revers de main toutes les critiques sur son âge, dénonce le "diktat" de ses alliés traditionnels, France et Etats-Unis en tête, qui se sont prononcés pour "un passage des générations", et a mené sa campagne tambour battant dans tout le pays.
Visiblement en forme, comme transporté par l'enthousiasme apparent des milliers de partisans qui viennent l'acclamer, il a multiplié les promesses, affichant du mépris pour ses opposants. Il a qualifié de "brise" le mouvement de contestation à son encontre.
Wade, libéral convaincu, construit: routes, aéroport et grand théâtre à Dakar, écoles, hôpitaux. Mais la presse, critique, dénonce les scandales financiers, la pauvreté, les inégalités.
Et la Casamance (sud) reste en proie à un conflit indépendantiste meurtrier que Wade avait promis, en 2000, de résoudre "en 100 jours". Pendant sa campagne, il a présenté un nouveau plan de paix.