Après «L'été des quatre rois» couronné du Grand Prix du roman de l'Académie Française, Camille Pascal plonge dans les intrigues de cour sous Louis XV dans «La chambre des dupes». Voici trois raisons de lire ce brillant roman historique.
Un vrai «page turner»
Dans cet épais volume de plus de 500 pages, Camille Pascal entre de plain-pied dans la cour de Louis XV et la vie intime foisonnante du jeune roi. Ce dernier s'éprend de la duchesse de Châteauroux, par qui viendra le scandale. Parti à la guerre, le roi refuse de la savoir loin et prend les décisions que lui dictent son cœur. Alors qu'il se trouve en résidence à Metz, Louis XV tombe malade, si gravement que l'objet de son affection va devoir peut-être se plier à la raison d'État, c'est-à-dire retourner dans l'ombre.
Que l'on soit fan d'Histoire ou non, l'intrigue se lit d'une traite et avec avidité, à partir d'un moment totalement oublié de l'Histoire de France, mais pourtant clé dans la compréhension des évènements de la fin du dix-huitième siècle. La Révolution française, qui éclatera quelques 45 années plus tard, trouve pourtant ses racines à Metz en 1744. «C'est la première fissure. C’est à ce moment-là qu’il y a eu un divorce entre le peuple et la monarchie. La fonction est tellement désacralisée que les gens commencent à se poser des questions. Ça m’intéressait de saisir ce moment où l’Église va créer les conditions du divorce entre le Roi et la nation», note le haut fonctionnaire.
Une plume brillante
Le secret de Camille Pascal se niche peut-être dans la langue utilisée. Si l'Académie Française a plébiscité sa plume, c'est aussi certainement parce que cette langue utilisée, en adéquation avec son époque, refuse toute infantilisation du lecteur. Dès les premières pages, ce dernier se retrouve immédiatement aux côtés des membres de la Cour, avec quelque valet devant la chambre du roi, face aux médecins tentant une ultime saignée à une favorite qui se meurt, ou au beau milieu des rues de Paris où la rumeur court plus vite que les rats.
Avec un naturel désarmant, Camille Pascal entre directement dans ce siècle plus vrai que nature. «J'essaye de faire en sorte que mes livres racontent l'Histoire de la manière la plus juste, la plus authentique, mais que l'on ne voit pas les ficelles, que le lecteur puisse s'immerger totalement dans cette réalité», explique ce passionné. «Je ne vois pas pourquoi il serait plus difficile d'entrer dans l'histoire de Louis XV que dans celle de Game of Thrones», ajoute l'auteur de «L'été des quatre rois».
Un éclairage sur notre époque
Un mécontentement qui gronde, une guerre, la maladie... Celui qu'on retient comme «Louis le bien-aimé» a dû en réalité faire face à de nombreuses crises. A travers cette fresque historique, Camille Pascal semble vouloir éclairer notre époque troublée. «Je ne regarde notre époque qu’à travers l’Histoire», note le collaborateur de Jean Castex et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. «J’essaye toujours de mettre les choses en perspective. Pour moi, l’Histoire est la science politique par excellence, et pas uniquement l’Histoire contemporaine, contrairement à ce qu'on peut parfois entendre», explique-t-il.
«Si vous n'avez plus de référence au passé, comment voulez-vous lire le monde ? », s'étonne l'auteur remarqué cette année par le jury du Prix Goncourt (première liste). Une chose est certaine : après avoir refermé cette «Chambre des dupes», le vingt-et-unième siècle et nos problématiques actuelles ne résonneront plus jamais de la même manière.
La chambre des dupes, de Camille Pascal, éd. Plon, 512 pages.