Ses trois portails recouverts d'un voile noir de crasse ne sont plus qu'un sinistre souvenir : après trois ans de travaux, la façade de la basilique de Saint-Denis, chef-d'oeuvre de l'art gothique et nécropole des rois de France, a retrouvé son éclat.
"J'ai éprouvé du bonheur en redécouvrant la façade de notre basilique cathédrale dans toute sa splendeur. Quand le soleil est là et qu'il donne sur la façade, c'est vraiment une merveille", s'enthousiasme l'évêque de Saint-Denis, Mgr Pascal Delannoy. La Vierge sage du portail central et les bas-reliefs des voussures ont été débarrassés de leur épaisse couche de suie, relique du passé très fortement industriel de la ville de Seine-Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris.
La clarté restitue en ombres et lumière ici le drapé des toges des rois de l'Ancien Testament sculptés au XIIe siècle, là les détails des cheveux et des barbes finement ciselés dans la pierre calcaire de la région. "La façade était complètement encrassée, la pierre a dû être nettoyée par micro-abrasion", explique Dominique Cerclet, conservateur régional des monuments historiques d'Île-de-France qui a dirigé la restauration. Ce nettoyage consiste à pulvériser une matière abrasive très fine qui respecte le grain de la pierre sans endommager les sculptures. Mais les interstices ont dû être traités à la main.
3,2 millions d'euros
Un travail de fourmi auquel s'est attelée durant trente-six mois une équipe d'une quinzaine de tailleurs de pierre, maçons, sculpteurs mais aussi des restauratrices pour nettoyer, remplacer les pierres érodées ou les parties brisées, remettre en couleurs les inscriptions ou refaire les dorures. Le coût des travaux s'élève à 3,2 millions d'euros. "Par chance, la pierre n'était pas en mauvais état et ne souffrait d'aucune pathologie", souligne le conservateur. "Ce chantier n'a pas représenté de véritables difficultés techniques", concède Dominique Cerclet, "c'est un chantier plus culturel que technique, nous avons en quelque sorte restauré les restaurations d'un de nos prédécesseurs, François Debret".
ci-dessus
Dans la première moitié du XIXe siècle, Debret, architecte à la tête du troisième chantier de restauration de la basilique, a profondément remanié l'édifice, tant à l'intérieur où reposaient dans la crypte quarante-deux rois de France, qu'à l'extérieur en redessinant la façade occidentale, mentionne Dominique Cerclet. Ces travaux seront par la suite critiqués par Eugène Viollet-le-Duc, qui reprendra le chantier jusqu'en 1879. Mais grâce à Debret, les personnages décapités durant la Révolution ont retrouvé leur tête et les rois Clovis, Dagobert, Pépin le Bref, Charlemagne, Hugues Capet, Robert le Pieux, Louis VI et Louis VII ont fait leur apparition en haut de la façade.
170.000 visiteurs
La cathédrale doit son nom à Saint Denis, évêque missionnaire venu évangéliser la plaine de France et mort en martyr vers 250. La légende veut que, décapité à Montmartre, Saint Denis a ramassé sa tête et l'a transportée jusqu'où il souhaitait être inhumé, sur le site de la basilique actuelle. On le voit portant sa tête entre ses mains, sur le tympan au-dessus du portail nord. En 1122, Suger devient abbé de Saint-Denis et imagine à la fin de sa vie la façade actuelle avec sa rose, une première sur un bâtiment gothique religieux, où sera installée une horloge médiévale. Depuis, la basilique n'a cessé d'évoluer.
Elle attire les touristes --170.000 visiteurs cette année-- mais est loin de rivaliser avec Notre Dame de Paris et ses 13 millions de touristes. "Beaucoup plus lumineuse, plus attrayante", c'est "une belle basilique, elle mérite d'être visitée", juge pourtant Annick, Parisienne redécouvrant la façade avec son horloge qui redonnera bientôt l'heure. La façade restaurée sera inaugurée vendredi 18 septembre à 18h00, dans le cadre des journées européennes du patrimoine.