Stéphane Séjourné est auditionné au Parlement européen ce mardi 12 novembre. Face aux eurodéputés, l’ex-ministre français des Affaires étrangères, proposé comme vice-président exécutif de la Commission européenne en charge de la prospérité et de la stratégie industrielle, va devoir convaincre jusqu’au moindre détail de sa capacité à endosser cet immense portefeuille.
Le jour du grand oral est arrivé. À l'issue d'une première semaine passée relativement sous les radars en pleine présidentielle américaine, les auditions couperet des nouveaux commissaires européens devant le Parlement se poursuivent, ce mardi 12 novembre, avec les candidats les plus attendus, dont le Français Stéphane Séjourné.
Après la vingtaine de prétendants auditionnés jusqu'ici à Bruxelles, le casting du futur exécutif de l’Union européenne doit donc être complété, aujourd’hui, avec l’audition des six vice-présidents, parmi lesquels l’ancien ministre des Affaires Etrangères d’Emmanuel Macron.
Pour mémoire, le 17 septembre dernier, Ursula von der Leyen avait attribué au candidat tricolore le portefeuille de la stratégie industrielle, lui octroyant au passage également le poste de vice-président exécutif pour la Prospérité et la Stratégie industrielle.
Mais comme le veut la règle, les commissaires de la nouvelle équipe de la présidente de la Commission européenne, un par État membre, doivent tous passer une audition de trois heures au Parlement, suivie d'un vote des parlementaires.
Une tâche pas si aisée
Concrètement, pour être confirmé à son poste, Stéphane Séjourné doit obtenir les deux tiers des votes des députés coordinateurs. Pour lui, le rendez-vous est ainsi pris ce mardi dès 14h30, et pour trois heures durant, au cours desquelles il doit être jugé sur trois critères : compétence, engagement européen, et indépendance.
«Pour démontrer sa compétence, il devra répondre sur le fond aux questions des eurodéputés. Son engagement européen est par ailleurs largement reconnu. Il a été président du groupe le plus européen du Parlement, ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères du gouvernement le plus européen de la Ve République. Pour ce qui est de sa capacité d’indépendance, les eurodéputés vont chercher à savoir s’il est capable de raisonner au-delà de sa nationalité. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il doive mettre de côté ses convictions personnelles», a expliqué auprès de CNEWS son entourage.
Mais si du côté des centristes européens, et plus particulièrement dans les rangs de Renew Europe, la formation que Stéphane Séjourné a dirigée avant d’entrer au Quai d’Orsay, on se veut rassurant quant au «niveau requis», l’affaire n’est pas pour autant pliée.
Il doit en effet être auditionné par huit commissions parlementaires au total. Un record : quatre principales (industrie, marché intérieur, environnement et affaires économiques) et quatre invitées (commerce international, emploi, budget et affaires juridiques).
«L’étendue de son portefeuille de vice-président explique pourquoi il est auditionné devant autant de commissions. C’est pour cela qu’il a aussi dans son périmètre quatre commissaires qui doivent lui reporter et qu’il faut coordonner», a encore décrypté, assez confiant, un membre de son équipe.
À ce stade, Stéphane Séjourné a déjà reçu 200 questions écrites, et devra répondre à plus d'une quarantaine d’autres lors de son audition orale. Une véritable bataille d’arguments en perspective, pour laquelle ses équipes lui ont préparé en amont une centaine de fiches que le candidat a dû potasser heure après heure, cela tout en prenant le soin de caser à son agenda des entretiens avec tous les eurodéputés qui comptent.
Des échanges en anglais et en espagnol
Sans doute ultra-préparé, ce très proche d'Emmanuel Macron, jugé trop discret dans ses précédentes fonctions et surtout en tant que ministre des Affaires étrangères, devra sur la forme veiller aussi à s’affirmer pour succéder à Thierry Breton, habitué, à l’inverse, des déclarations retentissantes, et qui a claqué avec fracas la porte de la Commission en septembre dernier, sur fond de désaccords persistants avec la présidente Ursula von der Leyen.
«Au niveau européen, personne ne peut douter de la capacité de Stéphane Séjourné à peser sur les décisions. Thierry Breton avait son style, Stéphane Séjourné en aura un autre, mais qui peut être tout à fait complémentaire», tient encore toutefois à assurer son entourage.
Aujourd’hui dans l’arène, et sur la présentation en elle-même, Stéphane Séjourné prévoit enfin de s’exprimer non seulement en français, mais aussi en anglais et en espagnol.
«C’est une tradition de montrer que l’Europe se fait dans toutes langues. Cependant, en tant que Français, il mettra un point d’honneur à s’exprimer en français», tient-on à assurer de même source.
En janvier dernier, raillé sur les réseaux sociaux pour des fautes de français commises à l'oral, l’homme avait confié au Parisien que sa «forte dyslexie», n'avait «aucune implication» sur son travail, même si elle pouvait ressurgir lors des moments de fatigue et de stress.
Mais dans un monde où les questions liées au handicap sont plus présentes, notamment grâce une meilleure sensibilisation, il pourrait paradoxalement aussi en faire une force, remettant de l’humain dans une UE que de nombreux Européens perçoivent comme froide et trop technocratique.
Pas de quoi en tout cas refroidir ses ambitions et s'il est intronisé, Stéphane Séjourné s'est déja notamment fixé pour objectif de se concentrer, au cours de ses 100 premiers jours, sur le développement d'un pacte pour une industrie propre et forte.
«Le cadre global dans lequel il s’inscrit est de tout faire pour éviter le décrochage européen sur le terrain industriel, notamment vis-à-vis des États-Unis et de la Chine. De cela découle un certain nombre de politiques à mener, comme le clean industrial act, pour accélérer la décarbonation du secteur, ou l’approfondissement du marché unique qui consiste ici à faire en sorte que les industries croulent moins sous les démarches administratives. En résumé, il s’agira d’agir pour simplifier l’activité des entreprises, de savoir comment on peut investir de manière plus intelligente et d’œuvrer stratégiquement via le marché unique», a conclu son entourage.