Dans un pied de nez aux Occidentaux qui veulent l'isoler depuis l'offensive en Ukraine, Vladimir Poutine a accueilli ce mercredi le sommet des Brics, un ensemble de pays «émergents» auquel appartiennent notamment la Chine et l'Inde. Une stratégie qui vise à mettre en avant le «nouvel ordre mondial» prôné par le président russe.
Un rassemblement inédit. Le président de la Russie a organisé, pour la première fois dans son pays, une série de rencontres avec les principaux dirigeants des pays des Brics, afin de discuter de solutions pour les conflits en Ukraine et au Proche-Orient, mais aussi pour faire la promotion d’un nouvel ordre mondial face à l'hégémonie du G7 et des États-Unis.
Avec ce sommet, Vladimir Poutine entend notamment faire la démonstration de l'échec de la politique occidentale de sanctions économiques et d'isolement diplomatique visant son pays depuis l'assaut des troupes russes en Ukraine en février 2022.
Des rencontres bilatérales
Avant l'ouverture formelle du sommet ce mercredi matin, le dirigeant russe a mené mardi un marathon de rencontres bilatérales, s'entretenant notamment avec le président chinois Xi Jinping et le Premier ministre indien Narendra Modi, ou encore avec le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa.
Et pour cause : la Chine est un partenaire crucial pour la Russie, qui lui apporte un soutien économique déterminant dans le contexte des sanctions occidentales. L'Inde est critiquée par les Occidentaux pour ses achats de grandes quantités de pétrole russe depuis 2022, et l’Afrique du Sud prône une position à l’encontre des valeurs occidentales dans le conflit au Proche-Orient.
Autre illustration de sa volonté de battre en brèche l'hégémonie occidentale sur les relations internationales et de pousser sa vision d'un monde multipolaire : Vladimir Poutine a également rencontré le président égyptien Abdelfattah al-Sissi, dont le pays a récemment rejoint les Brics, ainsi que les présidents vénézuélien et iranien, Nicolas Maduro et Massoud Pezeshkian, dont les pays sont résolument dans le camp anti-occidental.
Une rencontre avec le président turc Recep Tayyip Erdogan était également au programme ce mercredi. Membre de l'Otan, la Turquie n'est pas membre des Brics et entretient des relations complexes tant avec la Russie que l'Occident. Elle a toutefois annoncé début septembre vouloir rejoindre le bloc, un calcul d'abord économique, en ligne avec «l’autonomie stratégique» recherchée par Ankara.
Selon le Kremlin, jeudi, ce sera au tour d'Antonio Guterres, arrivé ce mercredi à Kazan, de s'entretenir avec Vladimir Poutine, avec l'Ukraine comme sujet de discussion.
Briser la domination du dollar américain
Outre le fait d’offrir à Vladimir Poutine une vitrine sur la scène géopolitique, ce sommet est décisif pour le président russe dans l’optique de convaincre les membres des Brics d'adopter une alternative au dollar pour les paiements internationaux.
En effet, une grande partie des problèmes auxquels l'économie russe est confrontée est liée au commerce et aux paiements transfrontaliers, et donc au dollar américain, qui est utilisé dans l’immense majorité des transactions. Le principal intérêt de la Russie est donc de briser cette domination et de créer un mécanisme commercial alternatif qui n'implique ni le dollar, ni l'euro, ni aucune des monnaies du G7, afin de réduire l'impact des sanctions.
Par ailleurs, les pays des Brics représentent 45% de la population mondiale. Ensemble, les économies des membres valent plus de 28,5 milliards de dollars. Cela représente environ 28% de l'économie mondiale, soit près du tiers du PIB de la planète. Comptant quatre membres (Brésil, Russie, Inde, Chine) à sa création en 2009 et ayant intégré l'Afrique du Sud en 2010, le bloc des Brics a été rejoint cette année par quatre autres pays (Ethiopie, Iran, Egypte et Emirats arabes unis).
Des responsables russes ont indiqué que 30 autres pays souhaitaient rejoindre les Brics ou resserrer leurs liens avec le groupe. En développant ses liens avec ces pays, Vladimir Poutine s’assure donc de peser au sein d’un groupe qui ambitionne de bientôt représenter la «majorité mondiale».
Nouvel ordre mondial
Enfin, Vladimir Poutine sait également qu’en servant d’intermédiaire entre des grandes puissances comme la Chine et l’Inde, les deux pays les plus peuplés du monde, qui partagent une frontière de 3.500 kilomètres, il pourrait créer une énorme zone d’influence dont le poids serait quasiment inégalé sur la scène internationale.
Toutefois, tandis que la Russie, nourrie par un sentiment anti-occidental, parle de créer un «nouvel ordre mondial», d'autres membres des Brics, comme l'Inde, tiennent à conserver de bonnes relations politiques et économiques avec l'Occident. Des tensions existent par ailleurs entre d’autres membres des Brics, comme l'Égypte et l'Éthiopie, ce qui freine les ambitions russes.
Il s’agit néanmoins d’un coup de force pour Vladimir Poutine, qui devra, dans les prochains jours, tenter d’effacer les différences entre ses nouveaux partenaires, tout en montrant à l'opinion publique russe - et à la communauté internationale - que son pays est loin d'être isolé.