Tuée par la police des mœurs en Iran en 2022, Mahsa Amini a, par sa mort, fait naître le mouvement de contestation «Femme Vie Liberté». Deux ans après, les droits des femmes et du peuple restent fragiles, mais la révolte n'est pas morte.
C'était il y a deux ans : Mahsa Amini, étudiante Kurde iranienne de 22 ans, était arrêtée puis tuée par la police des mœurs parce qu'elle ne portait pas correctement son voile. Sa mort avait entraîné un véritable soulèvement populaire, porté par le mouvement «Femme Vie Liberté». Aujourd'hui, la répression est toujours aussi forte et les femmes sont encore privées de nombreux droits mais les militantes poursuivent le combat, au péril de leurs vies.
Dénonçant le port obligatoire du voile et le conservatisme religieux, les manifestants, menés par des femmes, ont défié le pouvoir iranien pendant des mois à l'époque, au prix d'une lourde répression. Selon des ONG de défense des droits humains, au moins 551 personnes ont été tuées, et des milliers d'autres arrêtées.
Désormais les protestations sont plus limitées et sporadiques, mais toujours aussi farouchement écrasées par le pouvoir iranien. A tel point que, d'après Chirinne Ardakani, avocate franco-iranienne et membre du collectif Iran Justice, la résistance est aujourd'hui «incarnée par le quartier des femmes» de la prison d'Evin, près de Téhéran.
Deux ans ont passé, Jina #MahsaAmini n’est plus. Elle a été tuée, parce que femme, pour un voile mal porté.
Pour elle, et pour tout.e.s les victimes de la République islamique d’Iran, SOYONS NOMBREUX
Dimanche 15/09 pour dire NON
à l’apartheid de genre
à la tyrannie… pic.twitter.com/Az0VLUtoUK— Chirinne Ardakani (@CArdakani) September 8, 2024
Invitée de France Inter ce dimanche 15 septembre, elle a notamment fait entendre un enregistrement clandestin de détenues en train de chanter. Or, le chant fait partie de la longue liste des choses interdites aux femmes iraniennes, avec, entre autres, le vélo, la moto, l'exercice de certains métiers ou encore le fait de sortir du pays sans l'autorisation de leur mari.
Les groupes de défense des droits humains dénoncent par ailleurs la multiplication des exécutions pour tout types d'infractions, afin de créer la peur et de décourager la contestation, mais aussi la persécution des familles des militants tués, exécutés ou emprisonnés lors des manifestations il y a deux ans.
Dans le même temps, les autorités s'acharnent à faire respecter la réglementation sur le port obligatoire du hijab, dont l'abolition était une revendication-clef des manifestants. Amnesty a ainsi noté une «augmentation visible des patrouilles à pied, à moto, en voiture et en fourgons de police dans les espaces publics». Le Parlement prévoit même d'adopter sous peu un projet de loi visant à «soutenir la culture de la chasteté et du hijab».
L'Iran a été accusé d'«intensifier» la répression contre les femmes par des experts onusiens qui pointent un recours récurrent à la violence au travers de «coups» ou «gifles» infligés en guise de sanctions. En mars, une mission d'enquête de l'ONU a conclu que la répression des manifestations par les autorités équivalait à des «crimes contre l'humanité».
Elles «refusent de plier»
Dans ce contexte, les chants qui résonnent dans les cellules de la prison d'Evin montrent donc «des femmes qui sont organisées entre elles, qui continuent de donner de la voix, des voix puissantes malgré la prison. Ces femmes refusent de plier», affirme Chirinne Ardakani.
Cette dernière était présente dimanche à Paris, lors de la marche organisée en soutien au peuple iranien. Elle a rappelé que «tout a changé en Iran, dans les mentalités, dans la société». «On est passé d'une culture absolument patriarcale, où il n'était même pas question qu'elles puissent se dévoiler dans la rue, à un soutien massif à ces femmes», a assuré l'avocate.
Narges Mohammadi, prix Nobel de la Paix 2023 pour son combat inlassable pour la défense des droits humains en Iran, fait partie des détenues de la prison d'Evin . Emprisonnée depuis novembre 2021, elle a demandé ce lundi à la communauté internationale de «sortir du silence et de l'inaction».
«J'appelle les institutions internationales et les peuples à agir. J'exhorte les Nations unies à sortir de leur silence et de leur inaction face à l'oppression dévastatrice et la discrimination perpétrées par les gouvernements théocratiques et autoritaires contre les femmes, en criminalisant l'apartheid de genre», a déclaré la militante dans un message relayé sur les réseaux sociaux par ses proches.
Afin de «commémorer» la contestation populaire depuis deux ans et le «meurtre» de Mahsa Amini, Narges Mohammadi a annoncé dimanche une grève de la faim d'une durée de 24 heures, suivie par 34 prisonnières politiques. «En ce deuxième anniversaire de Femme Vie Liberté, nous réaffirmons notre engagement à réaliser la démocratie, la liberté, l'égalité, et à vaincre le despotisme théocratique», a-t-elle souligné.