La cour d’appel de Paris doit se prononcer ce mercredi 26 juin sur la validation ou l’annulation du mandat d’arrêt visant le président syrien, Bachar al-Assad, accusé de complicité de crimes contre l’humanité après des attaques chimiques contre son peuple en 2013.
Pour la première fois de l’Histoire, un président en exercice s'est vu émettre un mandat d'arrêt par une juridiction étrangère. Encore faut-il que celui-ci soit validé par la cour d'appel de Paris ce mercredi, ou annulé, à l'encontre du chef d'Etat de la Syrie, Bachar al-Assad. Cette décision attendue fait suite à la requête du parquet national antiterroriste (Pnat), qui demande l'annulation de ce mandat au nom de l'immunité personnelle dont jouissent les chefs d'Etat en exercice devant les juridictions étrangères.
Depuis 2021, des juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris enquêtent sur la chaîne de commandement ayant mené aux attaques chimiques de la nuit du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma, près de Damas, blessant 450 personnes, et du 21 août 2013 qui avaient notamment fait plus de 1.000 morts dans la Ghouta orientale, selon les renseignements américains.
Quatre mandats d'arrêt émis
Leurs investigations avaient abouti à la délivrance en novembre 2023 de quatre mandats d'arrêt pour complicité de crimes contre l'humanité et complicité de crimes de guerre. Ils visent Bachar al-Assad, son frère Maher, chef de facto de la Quatrième division, une unité d'élite de l'armée syrienne, ainsi que deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam al-Hassan.
Si les magistrats instructeurs ont développé un argumentaire encadrant «strictement» les conditions dans lesquelles une immunité personnelle d'un chef d'État peut être levée par un pays étranger, le Pnat, lui, avait assuré avant l'audience que «de manière unanime, il est estimé jusqu'à présent» que les exceptions à l'immunité des chefs d'État en exercice sont «réservées au seul bénéfice des juridictions internationales», telle la Cour pénale internationale (CPI).
Un argument de poids qui devrait peser dans la décision finale de la cour d'appel de Paris, pouvant «ouvrir une porte supplémentaire dans la lutte contre les crimes contre l'humanité», a assuré une source proche du dossier.
Néanmoins, si le Pnat ne «remet pas en cause l'existence d'éléments démontrant l'implication de Bachar al-Assad dans les attaques chimiques commises en août 2013», pour Clémence Witt et Jeanne Sulzer, avocates de victimes franco-syriennes et du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM), Open Society Justice Initiative, Syrian Archive et Civil Rights Defenders, parties civiles, cela reviendrait à «le protéger de toute poursuite en France et consacrerait une situation d'impunité».
Selon elles, «l'extraordinaire gravité des faits d'une part, en l'espèce la commission répétée d'attaques chimiques contre sa propre population, et d'autre part la solidité du dossier d'instruction, qui établit la participation présumée du chef de l'État, appelle une décision permettant enfin aux victimes françaises et syriennes d'accéder à la justice». La Syrie n'est en effet pas membre de la CPI et Bachar al-Assad, qui a succédé à son père Hafez en 2000, pourrait rester président jusqu'à son décès.
La France l'exemple à suivre ?
Ces derniers mois, plusieurs décisions ont fait bouger les lignes concernant l'immunité fonctionnelle attachée aux agents d'un État étranger. En effet, trois hauts responsables du régime syrien, jugés par défaut en France pour complicité de crimes contre l'humanité et délit de guerre, ont été condamnés en mai à Paris à la réclusion criminelle à perpétuité.
La cour d'assises avait estimé que «les crimes contre l'humanité (...) ne peuvent être couverts par cette immunité dès lors que leur répression tend à la protection de l'humanité dans ses valeurs fondamentales et universelles».
Le 5 juin, la cour d'appel de Paris a développé le même raisonnement pour l'ancien gouverneur de la banque centrale syrienne (2005-2016), Adib Mayaleh, jugeant que «la nature des infractions» qui lui sont reprochées «constitue une exception justifiant l'exclusion du bénéfice de l'immunité fonctionnelle».