Dans un contexte géopolitique tendu, alors que le monde est en proie à plusieurs guerres, chaque grand pays doit se doter d’un service de renseignement digne de ce nom. Si toute tentative de comparaison peut s’avérer hasardeuse en raison des différences de missions, de budgets, d’effectifs ou de contexte juridique et politique, certains services, historiques, bénéficient de savoir-faire reconnus.
La CIA (États-Unis)
La Central Intelligence Agency (CIA) est créée en 1947 pour remplacer l’OSS (dont dépend le célèbre agent 117 dans les romans et les films) et demeure, de l’avis des spécialistes, l’un des services de renseignement les plus efficaces au monde. Et pour cause, si son nombre d'employés et son budget sont classifiés, des documents rendus publics par Edward Snowden (un ancien membre de l'agence) indiquent que la CIA emploie 22.000 personnes environ pour un budget de 15 milliards de dollars chaque l'année.
Couplée à la National Security Agency (NSA), les deux agences emploieraient pas moins de 80.000 personnes. La spécialité de la CIA réside notamment dans la déstabilisation de gouvernements à travers le monde. En Europe centrale, en Afrique, en Asie, mais surtout en Amérique du Sud. Toutefois, la CIA n’a pas réussi a anticiper certains événements marquants, comme l'invasion de la Corée du Sud, qui déclenche la guerre en 1950, le déploiement de missiles soviétiques à Cuba en 1962, l'invasion du Koweït par Saddam Hussein en 1990... et surtout les attentats du 11 septembre 2001, passés littéralement sous les radars de l'agence.
Le FSB (Russie)
Le Service Fédéral de Sécurité de la Fédération ou FSB, assure le renseignement russe depuis la fin de l’URSS. Digne héritier d’un savoir-faire de près d’un siècle, ce service, qui a connu les noms de Tchéka, GRU, OGPU, NKVD, NKGB, MGB, MVD, ou encore KGB, est qualifié par tous les observateurs comme l’un des meilleurs services de renseignement au monde. Bénéficiant de moyens jugés «extraordinaires», sa principale mission est de garantir la souveraineté nationale et la protection du peuple contre les menaces extérieures, et spécifiquement celles qui viennent de l’Occident.
Durant la Guerre Froide, le rôle des services secrets russes se concentre exclusivement sur l’espionnage et le contre-espionnage pour contrecarrer les opérations de la CIA. À la suite de la dissolution de l’URSS, ses activités ont été réduites à la surveillance interne. Cependant, le FSB garde toujours une notoriété exceptionnelle, notamment grâce à ses agents surentraînés. L’actuel président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a d'ailleurs intégré et dirigé le FSB entre 1998 et 1999.
Le MSS (Chine)
Le MSS (pour Ministère de la sécurité de l'État) ou Guoanbu en chinois, a repris le flambeau de l’espionnage depuis la chute de l’URSS. Selon l’avis des experts, il s’agit d’un service en plein développement, redouté de tous ses homologues mondiaux. En plus de la surveillance des citoyens chinois, des minorités religieuses - via le mystérieux bureau 610 - et des dissidents, le MSS est spécialisé dans l’espionnage industriel et économique. Il est notamment craint par les États-Unis, en raison de la rivalité actuelle entre les deux pays. S’il ne compte officiellement que 7.000 membres, la CIA estime qu’il bénéficie d’environ 50.000 employés «illégaux» supplémentaires.
Autre spécialité : la guerre informatique. Le MSS a notamment été suspecté d’avoir hacké le Pentagone en 2013, ce qui lui aurait donné accès à des plans ultra-secrets de missiles, radars et avions de chasse américains. Une information qui a toujours été démentie par le gouvernement chinois. En décembre 2014, une enquête de L'Obs a rapporté la présence d'un centre d'espionnage chinois aux portes de Paris. Si l’ambassade de Chine évoque une annexe, des paraboles géantes situées sur son toit, «les grandes oreilles de Pékin», transmettraient des informations à la Chine.
Le SIS (Royaume-Uni)
Aussi vieux que les services russes, le Secret Intelligence Service (SIS), aussi appelé Military Intelligence section 6 (MI6), est connu de tous comme la maison mère qui organise les missions de James Bond. À l’image des scénarios de la saga, ses activités principales consistent en l’espionnage et le recueil d’informations pour protéger la famille royale et le pays. Si l'espion 007 est totalement le fruit d’un script à la sauce hollywoodienne, le service est bel et bien actif et met en œuvre des opérations d’infiltration, ainsi que des opérations politiques, parfois militaires, partout à travers le monde.
La fascination autour du MI6, au point que le cinéma ou la littérature en a presque tout dit ou fantasmé, réside dans l’excellente communication de ses services. Cela lui permet d’apparaître pour beaucoup de non spécialistes comme l’un des meilleurs services au monde, même si ses capacités sont en réalité jugées inférieures à celles des «grands pays» (États-Unis, Russie et Chine). Par ailleurs, le SIS ou MI6 tient également son efficacité dans son étroite collaboration avec les services américains et de certains pays du Commonwealth (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada).
Le Mossad (Israël)
Créé en 1949, l'Institut pour les renseignements et les affaires spéciales, raccourci en Mossad (pour Institut), tient son efficacité de la spécificité géographique et historique de son pays. En effet, Israël est un tout petit territoire entouré de pays plutôt hostiles à son égard. Sa survie dépend donc principalement de la qualité de ses services de renseignement. Le Mossad se caractérise notamment par d’excellentes compétences sur le Moyen-Orient, mais sa couverture mondiale est bien plus limitée que celle des grands pays (États-Unis, Chine, Russie), de la France et du Royaume-Uni. Il a néanmoins une capacité ponctuelle d’intervention mondiale grâce à sa diaspora, laquelle coopère régulièrement à ses opérations, et contribue à son financement.
En effet, le rôle du Mossad est aussi d’assurer la protection des communautés juives du monde entier. Il a donc une obligation de résultat, ce qui explique en partie son besoin de faire des actions visibles et de les revendiquer ; il est ainsi aussi bon dans le savoir-faire que dans le faire savoir, à l’image des Britanniques. Venant du monde entier, les agents du Mossad peuvent se fondre dans la peau d'individus dans les pays où ils opèrent. Leur grand fait d'arme : la capture d'Adolf Eichman, qui reste sans doute l'une des plus brillantes opérations secrètes menée au cours du XXe siècle.
La DGSE (France)
La Direction générale de la Sécurité extérieure, aussi connue sous les noms «La Piscine» (pour sa proximité de la véritable piscine de Tourelles, dans le XXe arrondissement de Paris), «Mortier» (pour la rue des Mortiers), la «Centrale», ou encore la «Boîte», s’est construite sur des savoir-faire issus des services de la France libre - c’est-à-dire opérant sur leur propre territoire alors occupé, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le service a beaucoup évolué depuis sa création grâce à l’action de ses directeurs successifs, notamment dans le domaine technique où il a comblé son retard. Il compterait aujourd’hui environ 6.500 agents pour un budget qui devrait arriver à près d’un milliard d'euros en 2030.
Mais la DGSE, bien qu’elle entretienne encore une couverture mondiale, n’a pas les moyens des services de renseignement extérieur américains, russes ou chinois. Interrogée par le magazine Challenges en juin 2022, Gina Haspel, directrice de la CIA de 2018 à 2021, déclarait : «La DGSE est à mes yeux l’un des tout meilleurs services de renseignement dans le monde. Je considère qu’ils sont clairement dans le top 3 de nos partenaires. Leur expertise sur le contre-terrorisme et l’Afrique est sans équivalent. C’est aussi un service opérationnel, qui n’a pas peur du risque, et n’est pas paralysé par un excès de bureaucratie».
Un grand fait d'arme : l'opération Serval. L'intervention militaire française au Mali, débutée en janvier 2013, a été rendue possible grâce aux données collectées sur Al-Qaida au Maghreb islamique par les agents secrets de la DGSE et leurs satellites depuis 2004.
Le BND (Allemagne)
Le Service fédéral de renseignement (Bundesnachrichtendienst ou BND) est créé sous l'impulsion des Américains, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, afin de surveiller l'URSS et l'Allemagne de l'Est. Durant toute la Guerre froide, le BND, face à son frère ennemi de RDA, la Stasi, a connu ses heures de gloire et en fournissant au monde entier, et notamment aux Américains, des informations sur le bloc soviétique. Le BND disposerait actuellement de 6 bureaux secondaires et près de 7.000 agents. Côté organisation, le service est composé de 13 sections qui couvrent de nombreux secteurs (relations extérieures, diplomatie, électronique, terrorisme, chimie, développement technique…)
Un grand fait d'arme : avoir prévenu les Américains de la guerre des Six-Jours. Début juin 1967, les Israéliens s'apprêtaient à frapper, dans le plus grand secret leurs voisins égyptiens et libanais. Les rapports des services américains sur place n’ont rien détecté. Ce sont des renseignements allemands qui ont finalement prévenu Lyndon Johnson de l'imminence de l'opération.
Les autres
D’autres États disposent de services de qualité, mais ne couvrent qu’une zone d’action limitée correspondant à leurs intérêts directs, leur État n’ayant qu’une vocation régionale. Leurs budgets et effectifs sont similaires ou inférieurs à ceux cités plus haut, mais plusieurs de ces États pourraient les rejoindre dans les années à venir.
Toutefois, ils sont capables de concentrer leurs moyens, certes plus modestes, sur leurs objectifs géographiques et peuvent ponctuellement être aussi efficaces - si ce n’est plus - que les «grands». C'est notamment le cas de l'Italie, de l'Espagne, de la Corée, du Japon, du Maroc, de l'Algérie, de la Turquie, de l'Égypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran, de l'Inde, ou du Pakistan...