Publié ce lundi 20 mai, un rapport officiel met en lumière la responsabilité des autorités britanniques, accusées de «dissimulation», dans le scandale du sang contaminé survenu au Royaume-Uni entre les années 1970 et 1990.
Des années d'investigation, des milliers de témoins entendus et encore plus de documents examinés : ce lundi 20 mai, un rapport de 2.500 pages très attendu a été rendu public au Royaume-Uni. Il met en cause la responsabilité des autorités dans la gestion du vaste scandale de sang contaminé qui a touché le pays entre les années 1970 et 1990 et fait près de 3.000 morts.
Au cours de cette période, des milliers de Britanniques ayant bénéficié de transfusions sanguines dans le cadre d'opérations chirurgicales ou du traitement d'une hémophilie ont été contaminés par le virus de l'hépatite C ou le VIH. Plus de 30.000 personnes ont été infectées et, selon le juge Brian Langstaff, désigné en 2018 pour mener cette enquête publique, «les trois quarts des personnes séropositives sont décédées».
Dans son rapport remis ce jour, le magistrat assure non seulement que le drame «aurait pu être largement évité», mais aussi que la vérité a été «dissimulée pendant des décennies».
"I fully expect the government to make an apology, to be meaningful though, that apology must explain what the apology is for"
Sir Brian Langstaff, infected blood scandal report's author, says government should set up a "proper compensation scheme"https://t.co/TqS8n8mz65 pic.twitter.com/qzDFMZvcIE— BBC Politics (@BBCPolitics) May 20, 2024
L'enquête a révélé que le service public de santé du Royaume-Uni, le NHS, à l'époque confronté à une pénurie de sang, s'était tourné vers des fournisseurs américains qui rémunéraient leurs donneurs. Parmi ces derniers figuraient des personnes présentant un risque important d'infection, des prisonniers notamment.
«Cette catastrophe n'était pas un accident, a déclaré Brian Langstaff. Les contaminations ont eu lieu parce que ceux aux responsabilités - les médecins, les services du sang et les gouvernements successifs - n'ont pas donné la priorité à la sécurité des patients [...] Les gens ont fait confiance aux médecins et au gouvernement pour assurer leur sécurité et leur confiance a été trahie.»
Pire, «la réponse des autorités en place n'a fait qu'aggraver les souffrances» des victimes, a accusé le magistrat. Dans son rapport, il souligne notamment le fait que les personnes infectées n'ont été informées que tardivement, des années après pour certaines, alors même que les produits sanguins à risque n'ont pas été immédiatement retirés. Le nombre de morts augmente encore «de semaine en semaine», s'est alarmé le juge lors d'une conférence de presse, ce lundi.
Globalement, les gouvernements successifs sont accusés d'avoir tardé à réagir et le NHS n'a, selon l'enquête, pas suffisamment cherché à réduire ses importations de produits sanguins en provenance des Etats-Unis. Les dons de sang au Royaume-Uni, eux, n'étaient pas soumis aux contrôles adéquats.
La reconnaissance nationale d'un «désastre»
«Le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que les gens recevaient le meilleur traitement disponible et que les tests sur les dons de sang commençaient dès que la technologie était disponible. Les deux affirmations étaient fausses», a fustigé Brian Langstaff, dont les propos ont été retransmis par la BBC.
Ce dernier estime qu'il est temps de «reconnaître au niveau national ce désastre» mais aussi «d'accorder une juste compensation à tous ceux qui ont subi un préjudice». La parution d'un premier rapport d'étape, en 2022, avait conduit à une première indemnisation de 100.000 livres accordée à certaines victimes. Le coût final, qui doit être annoncé cette semaine, devrait atteindre plusieurs milliards de livres.
«Nombreux sont ceux qui n'obtiendront pas justice», a regretté le président de l'association Hemophilia Society, Clive Smith, en raison des décennies écoulées et des vies perdues. «Maintenant le pays sait et le monde sait qu'il y a eu une tentative délibérée de mentir et de dissimuler», a-t-il ajouté, d'après la BBC.
«Parfois nous avons eu l'impression de crier dans le vide ces quarante dernières années», a confirmé Andrew Evans, cofondateur du groupe «Tainted blood» («Sang contaminé», en français). Hémophile et lui-même contaminé par le VIH et l'hépatite C à l'âge de 5 ans, il a malgré tout salué un «jour mémorable».
Des proches de victimes se sont rassemblés à Westminster à Londres dès dimanche, pour célébrer la publication du rapport. Nombre d'entre eux ont brandi des portraits de leurs défunts, victimes de ce qui est décrit comme «la pire catastrophe médicale» de l'histoire du NHS. La réaction du gouvernement est désormais attendue : le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, doit s'exprimer au Parlement.