Invité par Emmanuel Macron dans le cadre d'une visite d'Etat, le président chinois Xi Jinping a atterri en France hier, dimanche 5 mai. Tous deux doivent célébrer ensemble le 60e anniversaire de l'ouverture des relations diplomatiques entre leurs pays.
Pour lancer sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, Xi Jinping a choisi la France. Emmanuel Macron accueille le président chinois, arrivé dimanche soir et présent jusqu'à demain, mardi 7 mai, dans le cadre d'une visite d'Etat célébrant les 60 années de relations diplomatiques entre la Chine et la France. Des décennies qui n'ont pas été exemptes de tensions.
A l'heure actuelle, les échanges ne sont d'ailleurs pas toujours aisés, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui sera sans doute le principal sujet de discussion entre les deux chefs d'Etat. Paris veut s'assurer que la Chine, principale alliée du président russe Vladimir Poutine, ne bascule pas dans un soutien clair à son effort de guerre face à Kiev. Voire, dans l'idéal, «l'encourager à utiliser les leviers» dont elle dispose sur Moscou pour «contribuer à une résolution de ce conflit», selon les informations transmises à l'AFP par l'Elysée.
L'exercice s'annonce toutefois délicat puisque les autorités chinoises n'ont jamais condamné l'invasion russe et Vladimir Poutine est même attendu en Chine en mai, signe de la solidité des relations entre Pékin et Moscou.
Reste que, le 27 janvier dernier, dans sa déclaration pour le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine, Xi Jinping a qualifié ce rapprochement, initié par le général de Gaulle en 1964, d'événement majeur dans l'histoire des relations internationales». Comme le rappelle Le Monde, cette prise de contact a effectivement facilité les échanges entre la Chine et l'Occident mais les deux pays ont, semble-t-il, toujours eu des difficultés à s'entendre.
A l'époque, en 1964, la France et la Chine étaient liées par leur désir commun de sortir de la logique des blocs Est-Ouest, imposée par la guerre froide. En 1971, Paris a soutenu l'attribution du siège chinois de l'ONU à Pékin plutôt qu'à Taipei et, deux ans plus tard, Georges Pompidou devenait le premier chef d'Etat d'Europe occidentale à se rendre en visite officielle en Chine depuis 1949.
Ces avancées étaient toutefois plus symboliques que concrètes car, dans les faits, les échanges entre Paris et Pékin étaient restreints. La France était en effet membre du Comité de coordination pour le contrôle multilatéral des exportations vers les pays communistes (Cocom), mis en place par les Etats-Unis et qui limitait grandement les interactions avec les pays communistes.
Les manifestations de Tian'anmen
La chute du maoïsme, avec la mort de Mao Zedong, en 1976, a été un point de bascule. Son successeur, Deng Xiaoping, a engagé la Chine dans une voie d'ouverture et a demandé l'aide d'autres pays pour développer une industrie moderne. Le pays a alors signé plusieurs contrats avec l'Hexagone et certaines multinationales françaises s'y sont installées comme Peugeot ou Framatome, spécialiste du nucléaire.
En parallèle, l'inflation et les inégalités ont explosé en Chine, entraînant de nombreux mouvements sociaux : celui des étudiants chinois a mené en 1989 à la tristement célèbre répression sanglante, le 4 juin, sur la place de Tian'anmen.
A ce moment-là, la France, par l'intermédiaire de son vice-consul Jean-Pierre Montagne, a activement participé à l'exfiltration de centaines de jeunes manifestants. La répression menée par les autorités chinoises a été fermement condamnée par François Mitterand qui, lors des célébrations du bicentenaire de la Révolution en juillet 1989, a choisi d'annuler l'invitation des dirigeants chinois pour convier à leur place certains leaders du mouvement étudiant chinois, réfugiés en France.
La collaboration commerciale entre les deux pays a repris dès 1994, quelques années après la levée des sanctions européennes et américaines. Les grands groupes français se sont tous installés en Chine, à l'image d'Airbus et Carrefour, sans toutefois faire cesser les frictions concernant la question des droits humains.
Les JO de Pékin en 2008
La France, qui dépendait alors de commandes publiques chinoises en matère d'aviation, de nucléaire ou de ferroviaire, s'est retrouvée dans une position délicate : entre dénonciation et collaboration commerciale. Les Jeux olympiques de Pékin, en 2008, ont cristallisé les tensions et le président français d'alors, Nicolas Sarkozy, n'est resté à Pékin que quelques heures pour la cérémonie d'ouverture.
En Chine, des menaces de boycott des produits français se sont alors fait entendre, touchant durablement certaines marques. Globalement, le rapport de force d'un point de vue commercial s'est creusé petit à petit en faveur de la Chine, qui était entrée quelques années auparavant, en 2001, dans l'Organisation mondiale du commerce et est officiellement devenue, en 2010, la deuxième puissance mondiale.
A l'heure actuelle, Xi Jinping entretient toujours un rapport plutôt conflictuel avec les pays occidentaux mais l'approfondissement de ses liens avec l'Europe pourrait être une manière de contrebalancer les tensions avec Washington. La France se distingue encore aux yeux de Pékin en raison de sa puissance nucléaire, de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et de sa position centrale au sein de l'Union européenne.
Emmanuel Macron n'a d'ailleurs pas caché son intention de miser sur l'UE pour rééquilibrer le rapport de force. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a ainsi été conviée à participer aux échanges avec Xi Jinping en France, ce lundi 6 mai.
Interrogé le 2 mai dernier par The Economist sur l'ouverture ou non du marché européen à la Chine, le président français a répondu : «Nous devons avoir sur le plan commercial avec la Chine un comportement respectueux, mais de défense de nos intérêts, de réciprocité et de sécurité nationale». L'UE a d'ailleurs multiplié ces derniers mois les enquêtes sur les subventions étatiques chinoises à plusieurs secteurs industriels, notamment aux véhicules électriques, accusées de fausser la concurrence.
Xi Jinping a déjà exprimé son mécontentement à ce sujet et risque de le faire entendre à nouveau lors de cette visite d'Etat. Pékin accuse l'Europe de «protectionnisme» et compte bien le faire savoir à Paris. Les autorités chinoises ont d'ailleurs lancé leur propre enquête antisubventions visant essentiellement le cognac français, à laquelle Emmanuel Macron s'oppose.