L'Etat du Colorado vient de promulguer la première loi de protection de la confidentialité des données neuronales. Le texte a été inspiré par le travail d'une ONG américaine qui s'inquiète des dangers liés aux neurotechnologies accessibles au grand public.
Alerté sur les dangers liés aux «neurotechnologies» pour le grand public, le Colorado a décidé d'agir. L'Etat américain vient de promulguer une loi visant à protéger la confidentialité des «données neuronales», une première aux Etats-Unis mais aussi dans le monde, d'après les experts.
Pour ce faire, le Colorado a élargi la portée de son «Colorado privacy act», une loi globale sur la confidentialité adoptée en 2021. Elle inclut désormais la protection des données biologiques, notamment en «établissant certaines exigences pour les entités» qui les traitent.
L'Etat a pris cette mesure en réaction au travail de la Neurorights Foundation, une ONG américaine qui tente de mettre en garde les autorités concernant la commercialisation d'appareils capables d'enregistrer l'activité du cerveau, voire de l'influencer. Il s'agit notamment de bandeaux pour améliorer le sommeil, d'oreillettes qui aident à méditer ou encore de capteurs crâniens censés améliorer les capacités des golfeurs.
In a historic development, the state of Colorado has introduced a bill to protect privacy of biological and neural data.
The bill has garnered bipartisan support in both the house and the senate. We are proud to announce our advisory role in this exciting initiative.
Read… pic.twitter.com/UFycTYfYtL— The NeuroRights Foundation (@neuro_rights) January 30, 2024
Ces dispositifs accessibles au grand public récoltent des données ultra personnelles et les analysent dans une application pour renseigner l'utilisateur mais aussi pour influer sur son comportement. Dans une étude publiée mercredi 17 avril, l'ONG déplore que ces objets échappent aux lois sur les appareils médicaux, car ils ne sont pas approuvés par les autorités sanitaires.
Le document ajoute que les entreprises à l'origine de ces «neurotechnologies», souvent des start-up peu connues, récoltent plus de données que celles dont elles ont besoin pour leur produit et n'hésitent pas, pour «la majorité» d'entre elles, à les partager «avec des tiers non spécifiés».
«Ce n'est pas de la science-fiction»
«Vos pensées, vos souvenirs, votre imagination, vos émotions, votre comportement et votre subconscient se passent dans le cerveau, rappelle Rafael Yuste, neurobiologiste, président de la Neurorights Foundation et directeur du Neurotechnology Center de l'université de Columbia. Tôt ou tard, une entreprise vendra des stimulateurs magnétiques pour améliorer la mémoire. Ce sera la deuxième vague de neurotechnologies commercialisées au grand public, qui permettra de manipuler l'activité cérébrale.»
Evoquant des expériences en laboratoire lors desquelles les chercheurs ont réussi à décoder des pensées humaines, il insiste : «Ce n'est pas de la science-fiction». Pour preuve, Jared Genser, cofondateur de la Neurorights Foundation, cite la demande de brevet récemment deposée par Apple «en vue de fixer des capteurs d'électroencéphalographie (mesurant l'activité électrique du cerveau)» sur sa prochaine génération d'écouteurs sans fil.
La science sur laquelle repose les neurotechnologies progresse rapidement, notamment grâce aux implants neuronaux et à l'intelligence artificielle générative. Si le public cible est encore restreint à l'heure actuelle, l'entrée sur le marché de géants des technologies comme Meta et Apple pourrait attirer des millions de personnes.