Depuis l'évasion de prison d'Adolfo Macias, dit «Fito», l'Equateur est plongé dans le chaos et est passé en «état de guerre» ce jeudi 11 janvier. Le chef du gang de narcotrafiquants Los Choneros est le criminel le plus recherché du pays.
Le visage d'Adolfo Macias, alias «Fito» est diffusé partout en Equateur depuis dimanche. Agé de 44 ans, cet ancien chauffeur de taxi est le criminel le plus recherché du pays après son évasion de la prison d'où il commandait l'un des principaux gangs criminels d'Equateur.
«Fito» purgeait depuis 2011 une peine de 34 ans d'emprisonnement pour crime organisé, trafic de drogue et meurtre. Ce dimanche 14 janvier, à la veille d'une opération de police dont il a vraisemblablement été informé, il s'est échappé de la prison de haute sécurité de Guayaquil, dans le sud du pays. Le parquet a ouvert une enquête contre deux fonctionnaires pénitentiaires «qui auraient participé à l'évasion».
Adolfo Macias est le chef de Los Choneros, un gang de narcotrafiquants apparu dans les années 1990 dans la province côtière de Manabi, stratégique pour l'exportation de la cocaïne vers les Etats-Unis et l'Europe.«Fito» avait aussi pris la tête du quartier du centre pénitentiaire de Guayaquil dans lequel il était incarcéré.
Les murs y sont ornés de peintures à sa gloire et des vidéos le montrent en train de faire la fête à l'intérieur de l'établissement, avec des musiciens et des engins pyrotechniques. Il y a même enregistré le clip vidéo d'un «narcorroccido», une chanson populaire en l'honneur des narcotrafiquants : «El corrido del Leon».
Dans cette séquence, «Fito» apparaît coiffé d'un large chapeau, dans la cour de la prison et aux côtés de quatre autres détenus. Il caresse un coq de combat et rit sur un air chanté notamment par sa fille, connue sous le nom de Queen Michelle.
Dans un rapport publié en 2022, la Commission interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH) avait souligné le «contrôle interne important» exercé par le chef de Los Choneros sur la prison. Elle notait par ailleurs que ce dernier, ainsi que Junior Roldan, un autre dirigeant du gang tué l'année dernière en Colombie, bénéficiaient d'un «traitement différencié et préférentiel de la part des autorités».
Un candidat à la présidentielle exécuté
Ces derniers mois, «Fito», qui a obtenu son diplôme d'avocat en prison, a fait la une des journaux équatoriens après l'assassinat début août de l'un des principaux candidats à l'élection présidentielle. Fernando Villavicencio, ancien journaliste et parlementaire, a été abattu par un tueur à gages colombien. Peu avant son exécution, il avait dit être menacé de mort par le chef des Choneros.
Celui qui n'était qu'un modeste chauffeur de taxi dans une autre vie s'est hissé à la tête du gang après les décès successifs des chefs précédents. Ces changements ont dans le même temps entraîné une fragmentation du groupe composé de quelque 8.000 membres, entraînant des «luttes intestines» entre ses différentes ramifications, selon le centre de recherches Insight Crime.
Par exemple, les Tiguerones et les Chone Killers se sont désolidarisés, devenant de puissants rivaux. Insight Crime affirme que, dans cette situation, Los Choneros ont «progressivement perdu le pouvoir au profit d'une alliance menée par Los Lobos». Le chef de ces derniers, Fabricio Colon Pico, s'est d'ailleurs lui aussi échappé ce mardi de la prison dans laquelle il était incarcéré.
Pour se renforcer, les Choneros ont établi des liens avec de puissantes organisations criminelles en Colombie, tel que le Clan del Golfo, et au Mexique, avec le Cartel de Sinaloa. L'Observatoire équatorien du crime organisé leur prête aussi des liens avec des réseaux des Balkans.
L'Equateur en «conflit armé interne»
Les membres du gang de «Fito», eux, se présentent comme des bienfaiteurs. Sur les réseaux sociaux, ils vantent le trafic de drogue dans des clips musicaux, sur des rythmes de musique urbaine. Les paroles de leurs chansons sont toujours émaillées de menaces à l'égard des journalistes et d'avertissements adressés aux gangs rivaux.
L'évasion de «Fito» a été suivie de plusieurs mutineries et prises en otage de gardiens dans diverses prisons, le tout relayé sur les réseaux sociaux. Dans un communiqué, l'administration pénitentiaire (SNAI) a fait état de 139 membres de son personnel actuellement toujours retenus en otage dans cinq prisons du pays.
Le président équatorien Daniel Noboa a décrété l'état de guerre ce jeudi et le ministère de l'Education a ordonné la fermeture provisoire de toutes les écoles du pays. Mardi, des hommes armés ont fait irruption sur le plateau d'une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otage journalistes et employés de la chaîne.
Le même jour, le chef de l'Etat avait déclaré son pays en état de «conflit armé interne» et ordonné la «neutralisation» des groupes criminels impliqués dans le narcotrafic. Selon un premier bilan, cette crise sécuritaire a déjà fait au moins 10 morts.