Un mois jour pour jour après les attaques terroristes meurtrières menées par le Hamas en Israël, les forces israéliennes ont d’abord largement pilonné Gaza avant de tenter ces derniers jours une attaque terrestre d’ampleur dans la ville. Alexandre Negrus, président de l’Institut d’études de géopolitique appliquée (Iega), livre pour CNEWS les différents scénarios possibles pour les mois à venir.
Une équation avec énormément d’inconnus. Alors que le conflit fait rage entre Israël et le Hamas, un mois jour pour jour, ce mardi 7 novembre, après les attaques terroristes menées par l’organisation islamiste sur le sol israélien, l’issue de la guerre est encore incertaine sur de multiples points.
Alexandre Negrus, le président du think tank français spécialisé dans les relations internationales baptisé «Institut d’études de géopolitique appliquée» (Iega), donne son analyse détaillée pour CNEWS sur les issues possibles de la guerre menée à Gaza depuis un mois.
Comment le conflit est-il amené à évoluer sur le plan géopolitique à court terme ?
Alexandre Negrus : «Il est difficile à ce stade de déterminer l’avenir au Proche-Orient au regard de l’actualité mouvante quotidiennement. En l’état, il est peu probable que le Hezbollah entre en conflit direct avec Israël dans une guerre globale. Le Hezbollah a averti et a mis en garde l’État hébreu mais, dans les faits, il s’agit davantage d’une posture de dissuasion afin d’éviter une offensive israélienne au Liban.
Cette dernière serait catastrophique pour le pays qui est déjà dans une situation économique très préoccupante. Il est possible que le Hezbollah continue des tirs de roquettes, d’autant plus qu’il possède un important stock en la matière, depuis le sud du Liban mais cela n’ira probablement pas plus loin.
L’Iran, de son côté, ne veut pas non plus d’une guerre frontale car le pays connaît de fortes dissensions internes et il souffre économiquement. C’est l’un des États les plus sanctionnés dans le monde. Il n’a donc pas intérêt à s’engager dans un conflit de haute intensité».
Quid de Gaza à l’avenir ?
«Concernant Israël, il est probable que les frappes se poursuivent pour continuer de restreindre au maximum la capacité de nuisance du Hamas mais l’une des questions essentielles consiste à savoir ce qu’il adviendra une fois cette opération terminée. Gaza est partiellement détruite et deviendra un territoire sans gouvernance.
L’Autorité palestinienne pourra peut-être l’administrer mais elle manque cruellement de légitimité. Mahmoud Abbas ne fait pas l’unanimité et il sera compliqué pour lui de reprendre le contrôle de ce territoire décimé. L’Égypte ne voudra vraisemblablement pas reprendre le contrôle de la Bande de Gaza et Israël encore moins.
Une fois qu’Israël considérera avoir atteint ses objectifs militaires en détruisant les infrastructures du Hamas pour l’anéantir afin qu’il ne constitue plus une menace directe pour lui, il se retirera de Gaza. Dans ce contexte, la grande inconnue est celle du devenir de Gaza».
Quel est le but de l’opération terrestre d’ampleur lancée par Israël à Gaza ces derniers jours, après des semaines de bombardements ?
«L’invasion terrestre israélienne est une réponse aux attaques terroristes perpétrées le 7 octobre dernier. Pour le gouvernement israélien, il s’agit de frapper fort et de tenter par tous les moyens possibles d’éradiquer le Hamas qui menace l’existence d’Israël. L’enjeu pour Israël consiste également à réaffirmer sa puissance et sa capacité militaire.
L’opération qui est en cours a donc pour but de détruire les infrastructures du Hamas et de tenter de sauver les otages. Toutefois, bien que le groupe terroriste du Hamas perde ses capacités opérationnelles, la matrice idéologique va perdurer et un groupe pourrait prendre le relais. D’autant plus que la cause palestinienne cristallise les passions et que les Palestiniens ont le soutien des rues arabes».
«On ne peut prévoir la réaction du Hezbollah si les frappes israéliennes s’intensifient. Ce groupe a des moyens financiers et militaires mais il ne peut soutenir, dans la durée, un affrontement conventionnel contre Israël, d’autant plus que l’État hébreu est soutenu par la première puissance militaire du monde».
En l'état, les grandes puissances n'ont pas intérêt à s'engager dans une guerre globale.
L’élargissement à un conflit mondialisé est-il crédible ?
«En l’état, les grandes puissances n’ont pas intérêt à s’engager dans une guerre globale car il y a une conjoncture de plusieurs guerres avec l’ouverture de plusieurs fronts : en Europe avec la guerre d’Ukraine, au Caucase avec la guerre du Haut-Karabagh et désormais au Proche-Orient avec la guerre entre Israël et le Hamas.
L’un des principaux enjeux aujourd’hui est de savoir dans quelle mesure les grandes puissances ont une capacité à relier les différents théâtres d’opérations. Les États-Unis ne souhaitent plus s’engager dans les conflits comme sous l’administration Bush, mais ils sont rappelés malgré eux en Ukraine et au Proche-Orient. La Chine quant à elle se fait plutôt discrète et la Russie profite du chaos au Proche-Orient pour continuer sa guerre en Ukraine».