Le prix Nobel de de la paix 2023 a été attribué à la militante iranienne Narges Mohammadi.
Une vie d’engagement. Narges Mohammadi, qui vient de recevoir le prix Nobel de la paix 2023, a consacré sa vie à la défense des droits humains en Iran, au prix d'années d'emprisonnement et d'une séparation déchirante avec sa famille.
La lauréate de 51 ans lutte contre le port du voile obligatoire ou la peine de mort, dénonce les violences sexuelles en détention, et poursuit inlassablement son combat, y compris derrière les barreaux de la prison d'Evin à Téhéran, où elle a été réincarcérée il y a plus d'un an.
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The Norwegian Nobel Committee has decided to award the 2023 #NobelPeacePrize to Narges Mohammadi for her fight against the oppression of women in Iran and her fight to promote human rights and freedom for all.#NobelPrize pic.twitter.com/2fyzoYkHyf— The Nobel Prize (@NobelPrize) October 6, 2023
C’est «la personne la plus déterminée que je connaisse», a confié à l'AFP son mari Taghi Rahmani, réfugié depuis 2012 en France avec leurs deux jumeaux, aujourd'hui âgés de 17 ans.
Arrêtée de multiples fois depuis 1998, Narges Mohammadi a été condamnée à plusieurs peines de prison et doit encore être jugée prochainement pour de nouveaux chefs d'inculpation. Pour l'association Reporters sans frontières (RSF), elle est victime d'un «véritable harcèlement judiciaire».
L'attribution du Prix Nobel de la Paix à cette femme est hautement symbolique, au moment où le mouvement «Femme vie Liberté» secoue l'Iran depuis plus d'un an. La contestation, née après la mort d'une jeune Kurde iranienne, Mahsa Amini, décédée en détention après son arrestation par la police des mœurs pour un voile mal porté, a été réprimée dans le sang.
«Le mouvement a accéléré le processus de démocratie, de liberté et d'égalité», répondait-elle récemment à des questions écrites de l'AFP, et il a «affaibli les fondements du gouvernement religieux despotique».
La «Voix des sans-voix»
Pressentiment ou hasard ? Deux mois avant le début des manifestations le 16 septembre 2022, Narges Mohammadi avait fait publier sur son compte Instagram, géré par sa famille, un texte contre l'obligation du port du hijab.
«Dans ce régime autoritaire, la voix des femmes est interdite, les cheveux des femmes sont interdits (…) Moi, Narges Mohammadi (…) déclare que je n'accepterai pas le hijab obligatoire», pouvait-on lire. Deux mois plus tard, des vidéos montrant des femmes brûlant leur hijab en Iran deviendront virales.
Née en 1972 à Zanjan, dans le nord-ouest de l'Iran, Narges Mohammadi a fait des études en physique avant de devenir ingénieure. Elle s'est lancée parallèlement dans le journalisme auprès de journaux réformateurs.
Dans les années 2000, elle rejoint le Centre des défenseurs des droits de l'Homme (dont elle est aujourd'hui la vice-présidente), fondé par l'avocate iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003. Elle lutte notamment pour l'abolition de la peine de mort.
«Narges avait la possibilité de sortir du pays mais elle a toujours refusé (…), elle s'est fait la voix des sans-voix. Même en prison, elle n'oublie pas ses devoirs et informe sur la situation des prisonniers», confie Reza Moini, un militant iranien des droits humains basé à Paris qui la connaît bien.
L’ONU demande sa libération
Ce prix Nobel de la Paix a déjà suscité de nombreuses réactions, notamment celle de l’Organisation des nations unies (ONU), qui a demandé ce vendredi la libération de Narges Mohammadi. «Le cas de Narges Mohammadi est emblématique des risques énormes que prennent les femmes pour défendre les droits de tous les Iraniens. Nous demandons sa libération et celle de tous les défenseurs des droits humains emprisonnés en Iran», a réagi le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme.
Pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et en faveur des droits humains, Narges Mohammadi, citoyenne d’honneur de la Ville de Lyon, reçoit le prix Nobel de la paix. Un engagement qu'elle poursuit en prison.
Son courage et sa détermination nous inspirent. https://t.co/wRCY8OqXvs— Grégory Doucet (@Gregorydoucet) October 6, 2023
Le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, a salué le combat mené par Narges Mohammadi depuis sa prison, ajoutant : «son courage et sa détermination nous inspirent».
« Plus les autorités iraniennes essaient de la faire taire, plus ses paroles résonnent fort », affirmait @RSF_inter à propos de la journaliste et militante des droits de l’homme Narges Mohammadi.
Détenue en #Iran pour ses combats féministes, @freenargesmhmd vient d’être nommée… pic.twitter.com/H44LPPaBMO— Jean-Luc Romero-Michel (@JeanLucRomero) October 6, 2023
Jean-Luc Roméro-Michel, adjoint à la maire de Paris, a de son côté estimé que le choix de l'Académie était «une juste nomination à l’heure où les femmes iraniennes se battent pour la liberté.»