En Chine, de nombreux travailleurs ayant soufflé leur 35 bougies s’estiment discriminés ou rejetés, sur un marché du travail hostile où le chômage s'étend.
La «malédiction des 35 ans» est une croyance très répandue en Chine, selon laquelle cet âge marquerait pour les cols blancs l'entrée inévitable dans une période de précarité professionnelle. Alors qu’en France, on est parfois considéré sénior à partir de 50 ans, il semble que cet âge pivot arrive bien avant en Chine.
Plutôt que de recruter ces séniors fraîchement étiquetés, les entreprises préfèrent en effet se tourner vers des travailleurs plus jeunes, réputés plus énergiques, investis et dociles, et qu'elles peuvent former elles-mêmes et embaucher à des tarifs plus bas.
Cette attitude s’étend bien au-delà du secteur privé, puisque les concours chinois de la fonction publique ne recrutent plus après 35 ans. Ce qui fait que les demandeurs d’emploi d’âge moyen obtiennent majoritairement leurs postes par recommandation ou grâce à des chasseurs de tête, et seuls ceux avec un CV exceptionnel peuvent prétendre à des voies de recrutement classiques.
un contexte pandémique aggravant
Si le taux de chômage pour les 25-59 ans demeure relativement bas en Chine au premier trimestre 2023 (4,2%), «la pandémie de Covid-19 a (tout de même) rendu la recherche d’emploi laborieuse pour les travailleurs chinois d’âge moyen», nuance le quotidien hongkongais South China Morning Post.
De février à septembre 2020, le nombre de demandeurs d’emploi âgés de 35 ans et plus ayant déposé un CV sur la plate-forme de recrutement Zhaopin avait ainsi augmenté de 14,9% par rapport à 2019, soit plus du double du taux enregistré pour les moins de 35 ans.
un déclin démographique sans fin
Alors que la Chine entame un déclin démographique sans fin qui la laissera, à l’aube du XXIIe siècle, avec moins de 770 millions d’habitants (contre 1,412 milliard aujourd’hui), le gouvernement tente d’inverser la tendance en promouvant la natalité dans le pays. On soumet donc les jeunes Chinois à des injonctions contradictoires : être performant au travail, mais aussi fonder une famille et s’en occuper.
«J'ai 35 ans et pas d'enfants, quand je dis cela aux recruteurs, je sens qu'ils perdent tout intérêt pour ma candidature», rapporte une jeune femme de la province du Guangdong pour le SCMP, comme si elle était une mauvaise citoyenne, et donc une mauvaise candidate.
une recherche d'emploi qui n'aboutit pas
Dans ce contexte, Mia Fan, jeune femme licenciée d'un poste de gestionnaire à ses 35 ans, quitte tous les jours son domicile à 8h30 et fait croire à ses proches qu’elle part travailler. En réalité elle passe la journée dans un café à envoyer des CV.
Mia Fan a postulé à plus de 70 postes sur différents sites d’annonces et n’a reçu que des retours négatifs. Les entreprises, quand elles lui répondent, lui disent invariablement qu'elles ne recrutent pas au-delà de 35 ans, ou que la jeune femme ne correspond pas tout à fait à leurs exigences.