Située en Moldavie, la région autonome de Gagaouzie fait parler d'elle alors que ses habitants sont appelés aux urnes le 30 avril prochain afin d'élire leur nouveau gouverneur. Car alors que la population locale, une minorité turcophone convertie au christianisme, est pro-russe, le pays, lui, a les yeux davantage tournés vers l'Europe.
Un territoire de 1.800 km2, peuplé par un peu plus de 130.000 habitants. Telle est la Gagaouzie, un petit bout de terre autonome appartenant à la Moldavie, une ancienne république soviétique, aujourd'hui tournée vers l'Europe.
Le 30 avril prochain, les Gagaouzes seront appelés aux urnes afin d'élire pour quatre ans leur «Bashkan», autrement dit leur nouveau gouverneur. Une situation suivie de près à Bruxelles et à Moscou, alors que la Moldavie est située dans une région où, conflit ukrainien oblige, les équilibres géopolitiques restent très fragiles.
Récemment, un événement s'est d'ailleurs produit illustrant une certaine tension. Le 17 avril dernier, le président de la République du Tatarstan (Fédération de Russie), Roustam Minnikhanov était ainsi attendu en Gagaouzie pour le congrès de l’amitié entre les peuples. Sauf qu'à son arrivée, le chef d’État n’a pas été autorisé à descendre de l’avion.
Un incident qui, selon les observateurs, pourrait raviver les velléités pro-russes des Gagaouzes à l'approche du scrutin dans leur région, au détriment du pouvoir central de Chisinau, la capitale de la Moldavie.
Une défiance ancienne entre la Gagaouzie et la Moldavie
Historiquement, cette défiance est ancienne. Elle s'était traduite, en 1994, par une autonomie de la Gagaouzie, initialement communiste et qui voulait rester en Union Soviétique, âprement négociée avec la Moldavie.
Vingt ans plus tard, en 2014, les Gagaouzes avaient également confirmé leur inclinaison pro-russe en votant à 95% en faveur de l’intégration de leur région à l’Union économique eurasiatique de Vladimir Poutine, en cas de réunification de la Moldavie à la Roumanie.
L'an dernier, plusieurs manifestations avaient aussi éclaté à l'initiative de Gagaouzes contre le gouvernement moldave et la hausse des prix. Les élus de la région avaient alors demandé au pouvoir russe s’il pouvait livrer du gaz à la région, à des prix abordables.
Une démarche déplorée par la présidente moldave Maia Sandu, qui avait dénoncé une «tentative de déstabilisation de la situation en Gagaouzie». La cheffe d’Etat avait également affirmé que les habitants de la région Gagaouze étaient du côté de la Russie dans le conflit avec l’Ukraine.
Fait notable, la gouverneure de Gagaouzie sortante est Irina Vlah, une ancienne communiste du Parlement national moldave. En 2015, elle avait été élue dès le premier tour avec 51% des voix avec un slogan sans équivoque : «Ensemble pour la Russie». Elle avait obtenu 91% des voix pour son second mandat en 2019.
Mais en 2023, Irina Vlah doit laisser sa place, et huit candidats sont en campagne pour lui succéder. Parmi eux, figure Dmitri Kroïtor, ex-gouverneur de la région et ancien ambassadeur de Moldavie en Turquie.
Si le candidat est indépendant, il a quelques affinités avec le parti proeuropéen moldave, qui déplaisent à l’opinion publique Gagaouze : «Si le candidat soutenu par le PAS (Parti Action et Solidarité, NDLR.) gagnait, la Gagaouzie perdrait son statut d’autonomie», relaie l’agence de presse russe RIA Novosti. Cette perte d’autonomie «ferait monter au maximum la température dans le pays et provoquerait un conflit interne».