Contre-performance des républicains, résistance des démocrates, revers pour Donald Trump… Les élections de mi-mandat ont redessiné le paysage politique américain pour les deux années à venir. Pour CNEWS, Jean-Eric Branaa, maître de conférence à Paris 2 Panthéon Assas et spécialiste de la politique américaine, décrypte les résultats des Midterms et leurs conséquences.
Après une semaine de dépouillement, on connaît enfin les résultats (quasi) définitifs des Midterms du 8 novembre. Tandis que les démocrates gardent le contrôle du Sénat, les républicains s’emparent de justesse de la Chambre des représentants. Qui sont les gagnants et les perdants de ce scrutin ?
Les grands perdants sont assurément les candidats trumpistes, qui ont enchaîné les défaites et plombé leur parti. Car en réalité, les candidats républicains ont fait de bons scores, en particulier les sortants qui ont presque tous été réélus.
Les démocrates, même s’ils perdent la Chambre, peuvent être très satisfaits. Ils ont réussi à contenir la vague d'opposition qu'on observe traditionnellement lors des élections de mi-mandat. Comme Trump en 2018, ils gardent la main sur le Sénat, une chambre essentielle car elle permet de confirmer ou d'invalider les nominations du président : ministres, responsables de la haute administration, juges fédéraux et surtout juges à la Cour suprême.
Les républicains deviennent majoritaires à la Chambre des représentants. C’est un coup dur pour Joe Biden ?
C’est simple, il ne pourra plus faire passer de grandes lois dans les deux années à venir. Peut-être des textes techniques, mais pas plus. Ses promesses sur l'immigration, la protection de l'IVG ou le contrôle des armes vont rester au placard. Les républicains vont aussi avoir la main sur le budget, on peut donc s’attendre à des blocages en tout genre.
Joe Biden a jusqu'à janvier 2023 (date de l’entrée en fonction de la nouvelle législature) pour faire passer le maximum de choses avant d'être entravé. Il est en ce moment en train de sécuriser la mariage gay (potentiellement menacé par la Cour suprême, NDLR) avec un texte soutenu à la fois par des démocrates et des républicains.
Bien loin de la «vague rouge annoncée», les représentants républicains n’ont qu’une poignée de sièges de plus que les démocrates. Qu’est-ce que cela change ?
Kevin McCarthy, probable futur «speaker» de la Chambre, va avoir beaucoup de difficulté à diriger un groupe républicain très divisé. La trentaine de représentants issus du Freedom Caucus, un groupe de républicains très à droite et proches de Donald Trump, ne lui feront aucun cadeau. Ils vont sans cesse vouloir négocier avec lui, lui réclamer des postes de président de commission… Et comme les républicains n’ont qu’une courte majorité, McCarthy sera bien obligé de les écouter. Ces élus vont jouer les empêcheurs de tourner en rond, c’est une vraie minorité de blocage. C'est là qu'on voit que malgré sa contre-performance, Donald Trump conserve un pouvoir de nuisance.
Que peut faire Joe Biden, probable candidat à sa réélection, pendant les deux années qui viennent ?
Il va prendre de la hauteur. Il peut justement jouer de cette minorité trumpiste, qui va s’agiter en lançant des commissions d'enquête complètement fantaisistes ou des procédures d'impeachment qui n'iront nulle part, pour se poser en homme d’Etat sérieux.
Donald Trump a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle de 2024. Quelles sont ses chances ?
C'est très mal parti pour lui. Il n'est plus suivi par les ténors du parti, les médias l'ont lâché, les grands donateurs du parti républicain aussi... Il va encore une fois faire appel à ses fans les plus fervents mais je ne vois pas où il peut aller.
Qui sont ses concurrents au sein des républicains ?
Ils sont nombreux ! Outre DeSantis, nouvelle star des médias conservateurs, il y a l’ancien vice-président Mike Pence, l’ambassadrice auprès de l’ONU Nikki Haley, le gouverneur de Virginie Glenn Youngkin, la gouverneure du Dakota Christie Noem…
Avec la course pour 2024, nous sommes revenus à une forme de normalité politique et c’est d’ailleurs peut-être l'argument le plus fort contre une victoire de Donald Trump.