Deux jours après l’annonce de sa défaite, Jair Bolsonaro, président sortant du Brésil, a affirmé qu’il respectait la Constitution, et a engagé la transition du pouvoir. Avec plus de 58 millions de votes lors du second tour, la figure de l’extrême droite brésilienne devrait devenir le leader de l’opposition.
Une défaite qu’il semble avoir du mal à digérer. Mardi après-midi, Jair Bolsonaro, le président d’extrême droite du Brésil, s’est enfin exprimé, près de 48 heures après l’annonce de sa défaite à l’élection présidentielle face à Lula, le candidat de gauche. Une prise de parole extrêmement rapide, pendant laquelle il n’a pas formellement reconnu le résultat du scrutin, qui a donné 50,9% des voix à Lula, mais où il a toutefois affirmé qu’il respecterait la Constitution brésilienne.
En août 2021, Jair Bolsonaro qui a plusieurs fois mis en doute la fiabilité du processus électoral, affirmait : «J'ai trois possibilités pour l'avenir : la prison, la mort ou la victoire». La dernière option n’est désormais plus d’actualité.
Avec 49,1% des voix au second tour, Bolsonaro a toutefois mobilisé plus de 58 millions d’électeurs, ce qui lui assure une position importante dans le paysage politique, malgré la victoire de Luiz Inacio Lula da Silva. Lors de sa courte prise de parole mardi, il a notamment déclaré : «C’est un honneur d’être le leader de millions de Brésiliens qui défendent comme moi la liberté économique, religieuse, d’opinion, l’honnêteté et les couleurs du drapeau brésilien», et s'est félicité que la droite ait réellement émergé sous son mandat. Par ailleurs, si Jair Bolsonaro a échoué à se faire réélire, sa défaite n’est pas synonyme d’une défaite du bolsonarisme, bien au contraire. Les 2 et 30 octobre dernier, les Brésiliens ont également voté pour leurs députés, sénateurs et gouverneurs, et la droite et l’extrême droite sont sorties victorieuses de ces autres élections.
victoire des gouverneurs bolsonaristes
Le Brésil est un État fédéral, comme les États-Unis, et les gouverneurs des États ont des prérogatives très étendues, notamment en matière de justice, de politiques sociales ou sanitaires, et peuvent donc jouer un rôle de contre-pouvoir très important. Par exemple, pendant la crise sanitaire, alors que Jair Bolsonaro refusait de mettre en place les mesures de restrictions, certains gouverneurs ont confiné leur population, malgré le refus du président de prendre une quelconque décision pour protéger les citoyens.
Les élections des gouverneurs ont été plutôt favorables au camp bolsonariste, qui a réussi à faire élire 14 gouverneurs sur les 27 États du pays. Ils pourraient représenter une opposition forte au président Lula, dont le mandat s’annonce déjà complexe. Du côté du Congrès, le Parti libéral (PL), parti de Jair Bolsonaro, est la formation la plus représentée à l’Assemblée, avec 99 députés élus sur les 513 sièges de la Chambre. Les députés pro-Bolsonaro, avec les autres partis qui ont soutenu le président pour la réélection, seraient au total 190, selon CNN Brésil. De même au Sénat, qui a renouvelé le tiers de ses 81 sièges en octobre, et le PL qui deviendra en 2023 le parti avec le plus de sièges, avec 13 sénateurs élus.
Bolsonaro bientôt visé par des actions en justice ?
Si le bolsonarisme devrait bien se porter dans les années à venir, Jair Bolsonaro lui, pourrait subir prochainement des revers judiciaires. En effet, à partir du 1er janvier 2023, lorsque Lula prendra officiellement ses fonctions de président, Jair Bolsonaro perdra son immunité présidentielle. Il pourra alors être jugé par des tribunaux de première instance, et non plus uniquement par la Cour suprême. Lors de son mandat, Jair Bolsonaro avait fait l’objet de plusieurs enquêtes et de plus de 150 demandes de destitution, notamment en raison de sa gestion de la crise sanitaire ou son inaction face à la déforestation en Amazonie. Cependant, aucune procédure n’a pu aboutir, le procureur-général Augusto Aras et le président de la Chambre des députés, Arthur Lira, étant des proches du président d’extrême droite. Lui et sa famille sont également soupçonnés de diverses fraudes.
Selon le politologue Vinícius Vieira, interrogé par CNN Portugal, la perte de son immunité signifie que : «par exemple, un membre de la famille d'une victime du Covid-19 qui pense que [Jair Bolsonaro] n'a pas acheté les vaccins à temps ou qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour contenir la pandémie et que le membre de sa famille en est mort peut le poursuivre en justice». Face aux nombreuses critiques dont il a fait l’objet pendant son mandat, aux procédures de destitution et même aux accusations de crime contre l’humanité, Jair Bolsonaro pourra être poursuivi dans de nombreuses affaires à partir du 1er janvier. Pour échapper à d’éventuels procès, certaines rumeurs évoquent même un possible exil du président brésilien.