Le travail forcé touche près de 28 millions de personnes dans le monde. Ce mercredi, Bruxelles a présenté un projet de législation visant à interdire les produits qui en sont issus.
La Commission européenne veut en finir avec le travail forcé. Ce mercredi 14 septembre, elle a présenté un projet de règlement destiné à bannir du marché européen les produits qui en sont issus, totalement ou partiellement. Et ce, quel que soit le lieu où ils sont fabriqués ou cultivés.
Cela signifie que cette interdiction européenne vise notamment la production chinoise impliquant la minorité musulmane ouïghoure, mais pas seulement. Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, a indiqué que ce règlement «s'appliquera aux produits fabriqués dans l'UE, aux exportations et aux importations».
2/7 : Il y a beaucoup de points positifs, qui sont autant de victoires arrachées de haute lutte :
A - Les douanes sont de retour et il y aura bien la possibilité de bloquer les produits du travail forcé à nos frontières (la commission n’en voulait pas au départ)— Raphael Glucksmann (@rglucks1) September 14, 2022
Elle est donc plus étendue que celle mise en place par les Etats-Unis en décembre 2021, qui prohibe explicitement les importations en provenance de la région chinoise du Xinjiang, à moins que les entreprises apportent la preuve que leurs produits n'ont pas été fabriqués avec du travail forcé.
La législation américaine vise en particulier le coton, dont cette région du nord-ouest de la Chine est l'un des grands producteurs mondiaux, mais aussi les tomates et le polysilicium, matériau utilisé pour fabriquer les panneaux photovoltaïques.
Le projet européen prévoit de son côté que l'interdiction soit mise en oeuvre par chaque pays de l'UE, chargés de déterminer si des produits sont susceptibles d'être issus du travail forcé. Ils s'appuieront pour cela sur les informations disponibles, fournies notamment par les ONG, rassemblées dans une base de données coordonnée par la Commission.
Il leur reviendra également d'ouvrir des enquêtes le cas échéant. Si l'entreprise ou le pays concerné ne coopère pas, l'Etat membre pourra décréter le retrait du marché européen ou interdire les produits identifiés comme provenant du travail forcé. Ces derniers seront alors saisis par les services douaniers.
Une «étape cruciale»
L'eurodéputé français Raphaël Glucksmann, très engagé dans la cause des Ouïghours, a salué sur Twitter ce qu'il qualifie d'«étape cruciale dans le combat que nous menons contre l'esclavage moderne».
L'élu, qui avait lancé une pétition comportant une liste des marques accusées de bénéficier du travail forcé, estime toutefois que «le texte proposé a des lacunes». Il prévoit ainsi de «le rendre plus ambitieux et efficace», notamment «sur le niveau de preuve exigé et sur les délais prévus par exemple».
D'après les chiffres de l'Organisation internationale du travail (OIT), le travail forcé touche quelque 27,6 millions de personnes dans le monde, dont 3,3 millions d'enfants. Au mois d'avril, la Chine avait justement ratifié les conventions de l'OIT sur le travail forcé, remplissant ainsi l'une des conditions posées par l'Union européenne pour ratifier un accord sur les investissements conclu fin 2020 entre Pékin et le bloc. Le processus de ratification n'a toutefois pas été mené à son terme depuis.
En août dernier des experts indépendants de l'ONU ont en outre fait état de «systèmes» organisés par l'Etat chinois et recourant au travail forcé. Cela concerne notamment l'agriculture et l'industrie manufacturière, dans le Xinjiang.
Des organisations de défense des droits de l'hommes ont dénoncé l'existence de camps dans cette province. D'après leurs chiffres, au moins un million de Ouïghours et membres d'autres ethnies musulmanes y sont ou y ont été incarcérés.
Selon Pékin, ces camps seraient en fait des centres de formation professionnelle destiner à éloigner ces populations du terrorisme et du séparatisme. La Chine rejette les accusations à son encontre et notamment celles concernant un génocide perpétré à l'encontre des Ouïghours.