Les Syriens sont appelés aux urnes ce mercredi 26 mai pour une élection présidentielle au résultat connu d'avance. Au pouvoir depuis plus de vingt ans, le président Bachar al-Assad devrait sans surprise être réélu pour un quatrième mandat, au cours d'un scrutin dont l'aspect symbolique est plus important que son caractère démocratique.
Car cette élection n'en a que le nom. Face à Bachar al-Assad s'avancent deux candidats, ou plutôt des faire-valoir choisis par le pouvoir : l'ex-ministre et député Abdallah Salloum Abdallah et Mahmoud Mareï, membre de l'opposition «tolérée». Ils ont obtenu le soutien des 35 députés nécessaires pour candidater, sur les 250 que compte le Parlement syrien, quasiment tous acquis au parti Baas de l'autocrate de 55 ans, qui a succédé en 2000 à son père Hafez à la tête de la Syrie.
Les candidatures des 48 autres prétendants ont été rejetées par la Haute cour constitutionnelle, car «elles ne remplissaient pas toutes les conditions constitutionnelles et juridiques», notamment la résidence continue en Syrie les dix années précédant le scrutin. Une disposition qui exclut de fait les figures de l'opposition en exil.
Une grande partie de la diaspora syrienne est également écartée du vote, car seuls les ressortissants syriens sortis légalement du pays et enregistrés dans une ambassade sont autorisés à mettre leur bulletin dans l'urne. Par ailleurs, seules les zones contrôlées par le régime sont concernées par le scrutin, soit les deux tiers du pays, dix ans après le début d'une guerre civile qui a fait plus de 388.000 morts et poussé des millions de Syriens à fuir le pays. Les figures de l'opposition syrienne ont ainsi appelé la population à boycotter l'élection, qualifiée de «grotesque» et de «théâtre». Vendredi dernier, des milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes syriennes en signe de protestation, a rapporté l'agence de presse turque Anadolu.
Le scénario de la précédente présidentielle en 2014 devrait malgré tout se reproduire. Il y a sept ans, Bachar al-Assad avait été réélu triomphalement avec 88 % des voix, déjà à l'époque face à deux candidats qui étaient loin d'être de véritables rivaux.
«Entretenir l’illusion d’un exercice démocratique»
Pour le simple observateur, l'obstination de l'homme fort de Damas à organiser régulièrement des élections, plutôt que d'assumer complètement le caractère autoritaire de son régime, paraît donc étonnant. Mais, selon les experts, elle a des raisons tout à fait réfléchies. «Chaque scrutin présidentiel est en réalité une mise en scène absurde destinée à entretenir l’illusion d’un exercice démocratique et à consacrer cette continuité», explique à France 24 Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du monde arabe et professeur à l'université Paris-Sud. Le but pour Bachar al-Assad étant de démontrer qu'une nouvelle Constitution, réclamée par la communauté internationale, est inutile.
Mais celle-ci n'est pas dupe. Les membres occidentaux du Conseil de sécurité de l'ONU, Etats-Unis, France et Royaume-Uni en tête, ont rejeté à l'avance le résultat de cette élection présidentielle, lors d'une réunion sur la Syrie fin avril. Mi-mars, les ministres des Affaires étrangères des Etats-Unis, de France, d’Allemagne, d’Italie et du Royaume-Uni avaient déjà publié un communiqué commun pour dénoncer un scrutin «ni libre ni juste». Mais Damas peut encore compter sur le soutien de ses alliés russe et iranien.
Les élections sont également «un moment de renouvellement de l’allégeance à Bachar al-Assad», analyse pour La Croix Fabrice Balanche, professeur à l’université Lumière Lyon-II et spécialiste de la Syrie. «Le système syrien est un système clientéliste. Ces élections permettent à Bachar al-Assad de savoir sur qui il peut compter à l’intérieur de son pays.» Cette campagne lui permet aussi de mettre en scène l'idée selon laquelle il est le seul capable de reconstruire un pays dévasté par une décennie de guerre et frappé par une grave crise humanitaire, et ainsi tenter d'attirer «de potentiels bailleurs de fonds», note Nicholas Heras, expert au sein du Newlines Institute à Washington, interrogé par l'AFP. Mais cette stratégie n'est pas sans risque : si le leader syrien échoue à remettre la Syrie sur de bons rails, le retour de bâton pourrait s'avérer brutal.