Actuellement détenu dans une prison de haute sécurité britannique, Julian Assange, le fondateur de la plate-forme WikiLeaks, a appris ce 4 janvier qu'il ne sera pas extradé vers les Etats-Unis. Agé de 49 ans, il risque 175 ans de prison pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700.000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.
Justicier de la liberté d'expression et activiste de génie pour les uns, mégalomane irresponsable et ennemi de la démocratie pour les autres, Julian Assange est à n'en point douter l'une des personnalités les plus controversées de la planète et de l'histoire récente.
Une jeunesse australienne mouvementée
Né Julian Paul Hawkins le 3 juillet 1971 à Townsville, une petite ville du Queensland, au nord-est de l'Australie, Julian Assange était âgé d'1 an lorsque sa mère, Christine Ann Hawkins, se marie avec un directeur de théâtre ambulant, Brett Assange, qui le reconnaît légalement et lui donne son nom.
Durant son enfance, Julian Assange vécut d'abord en pleine nature, au bord de l'océan. Puis sa vie est devenue rapidement très nomade, lorsque sa mère, bohème et anticonformiste, se met à voyager constamment à travers toute l'Australie.
Pour suivre son nouveau mari d'une part, mais aussi pour fuir le père de son autre fils, un homme abusif, embrigadé dans une secte.
Un autodidacte très intelligent et rusé
Au sein de cette famille dysfonctionnelle, le jeune Julian, qui doit changer d'école sans arrêt, montre dès son plus jeune âge des signes d'une grande intelligence et d'une grande maturité, prenant très tôt son éducation en mains en main, façonnant sa culture en autodidacte en fréquentant assidûment les bibliothèques municipales.
Adolescent, il se fixe à Melbourne. Dans les années 1980, la deuxième plus grande ville d'Australie est l'une des places fortes de l'hacking mondial.
C'est donc là que Julian Assange découvre les réseaux informatiques pour la première fois, devenant lui-même très vite un pirate informatique audacieux et rusé. Avec ses amis, il piratera plusieurs serveurs officiels australiens et américains.
Mais son goût du risque et de la provocation, notamment envers les forces de l'ordre, provoqueront l'ire des autorités et de la police qui dès lors se lancent dans une traque sans merci.
Assange n'est pas encore majeur lorsqu'il est arrêté et inculpé une première fois. Au terme d'une procédure interminable, il s'en tirera toutefois avec une amende et une mise à l'épreuve.
l'informatique, un outil au service de ses convictions
Sur le plan personnel, la vie de Julian Assange est tout aussi précoce et mouvementée. A 18 ans, il se met en ménage avec une jeune fille de 16 ans. Le couple a rapidement un fils, Daniel, aujourd'hui âgé de 32 ans.
Mais cette union ne tient pas et très vite, le jeune couple se sépare. Sa lançant dans une bataille juridique impitoyable pour obtenir la garde de son fils, Julian Assange va jusqu'à créer une association et tente de persuader les employés des services sociaux de dénoncer les éventuels dysfonctionnements dont ils auraient pu être les témoins et qui pourraient lui servir.
De là germe l'idée de créer une base de données contenant leurs informations, mais Julian Assange renoncera finalement à ce projet, après avoir trouvé un compromis avec la mère de son fils.
Reste que selon certains biographes, c'est peut-être dans cette histoire que le concept de WikiLeaks puise son origine.
Après cela, Julian Assange commence des études de maths et de physique, mais malgré de brillants résultats, il ne parvient pas à s'intégrer à un univers académique très rigide et codifié. De ce fait, il revient rapidement à l'informatique et s'installe à son compte comme programmeur de logiciels, spécialisé dans la sécurité et le cryptage.
Puis, dès que l'Internet grand public apparaît en Australie, il crée en 1993 Suburbia, une petite société de fourniture d'accès, qui, d'emblée, s'impose comme un farouche défenseur de la liberté d'expression sur le Web.
Au fil des ans, Assange met aussi un pied dans le journalisme, voyage beaucoup, y compris et surtout dans des pays où règnent la dictature et où l'on peut mourir pour des mots.
«L'explosion» WikiLeaks
Ses convictions en matière de liberté d'expression ne font que se se renforcer. Fin 2006, il décide ainsi de créer un site de publication en ligne spécialement dédié aux «whistleblowers» (les lanceurs d'alerte en Français, NDLR) en leur offrant un système parfaitement anonyme et sécurisé. Son nom : WikiLeaks.
Comme Assange l’avait pressenti, des centaines de lanceurs d'alerte, n’ayant plus à craindre pour leurs carrières, voire leurs vies, se manifestent rapidement et fournissent une infinité de documents officiels, que Wikileaks, appuyés par des journalistes du monde entier, vérifient scrupuleusement avant de les rendre publics.
Moins de quatre ans plus tard, en décembre 2010, Julian Assange est arrêté à Londres, à la suite d'accusations de viols de la part de deux femmes en Suède, pays où il résidait à l'époque, mais sera libéré sous caution une semaine plus tard.
De leur côté, les États-Unis demandent déjà son extradition notamment pour avoir divulgué, un mois plus tôt, 250.000 câbles diplomatiques américains confidentiels.
En 2012, la justice britannique lance ensuite un mandat d’arrêt contre l'activiste pour non-respect des conditions de sa libération.
Reclus sept ans durant dans une ambassade
Anticipant la menace, Julian Assange se réfugie le 19 juin 2012 à l’ambassade d'Équateur à Londres, le pays sud-américain lui ayant accordé l'asile malgré l'ire des Etats-Unis.
C'est là qu'Assange passera près de sept années reclus, apparaissant parfois à la fenêtre pour déclamer des discours mémorables.
Mais sans possibilité de sortir, ni d’être hospitalisé pour divers problèmes médicaux, sa santé, physique et mentale, se dégrade. Des conditions de vie que le fondateur de WikiLeaks avait d'ailleurs lui-même dénoncées publiquement en 2018.
Le 11 avril 2019, l’Équateur retire finalement sa protection à Julian Assange. La police britannique l'arrête aussitôt.
Début avril 2020, dans un entretien au Mail on Sunday, son ancienne avocate Stella Morris révèle par ailleurs qu'elle a eu deux enfants avec Julian Assange lorsqu'il était réfugié à l'ambassade d'Equateur.
Elle indique avoir choisi de révéler l'existence de ses jeunes enfants sous la pression du juge qui, selon elle, souhaitait divulguer publiquement cette information et parce qu'elle «craint que la vie d'Assange ne soit en danger s'il reste à Belmarsh» en raison de la pandémie du coronavirus.
A presque 50 ans, Julian Assange a en effet été mis en détention dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, dans le district de Greenwich, à Londres.
Il avait notamment été condamné à cinquante semaines de détention pour violation des conditions de sa liberté provisoire en 2012. Mais les poursuites dans l'affaire suédoise seront toutefois définitivement abandonnées justement en 2019.
Pour les Etats-Unis, un espion qui doit être jugé
Reste que Washington lui reproche toujours d’avoir mis en danger ses services de renseignement, ce que Julian Assange a toujours nié.
Parallèlement, l'enquête américaine pour espionnage à l'encontre de Wikileaks aboutira néanmoins, en 2013, à la condamnation à trente-cinq ans de prison de l'une des sources de WikiLeaks, l'ex-militaire américain Bradley Manning (devenu Chelsea Manning, NDLR).
Aujourd'hui, parmi les documents publiés par WikiLeaks et pour lesquels Assange pourrait être jugé, figurait, entre autres, une vidéo montrant des civils tués par les tirs d'un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007, dont deux journalistes de l'agence Reuters.
Julian Assange est également accusé d’avoir influencé l’élection présidentielle américaine de 2016 en diffusant des courriels de l’équipe d’Hillary Clinton. Documents dont l’authenticité n’a pas été contestée.
Pour autant, Julian Assange n’est pas Américain, mais toujours citoyen australien et n’a d'ailleurs jamais vécu ou travaillé aux États-Unis.
Pour certains défenseurs des droits de l'homme, il n’a pas commis le moindre crime ou délit sur le sol américain et ne relève donc pas de la juridiction américaine.
Outre les accusations, ce point précis fait du dossier de l'extradition de Julian Assange une affaire totalement hors normes, considérée par beaucoup comme l'une des plus importantes du siècle.