Pour ceux qui ont vu la série «Watchmen», la violente scène d'introduction du premier épisode a pu sembler n'être que fiction. Et pour cause, l'on y voit des bâtons de dynamite jetés d'un avion pour raser un quartier noir de Tulsa (Oklahoma), des personnes massacrées dans la rue et des cagoules du Ku Klux Klan partout. Seulement, contrairement au reste de la série, ces scènes sont inspirées de faits réels.
En 1921, la ville a connu l'un des épisodes les plus douloureux de l'histoire noire américaine, événement qui reste largement méconnu malgré tout. À cette période, le quartier de Greenwood abrite la communauté noire la plus riche du pays, au point d'être surnommé «Black Wall Street». Ce qui sera connu comme le «massacre de Tulsa» y aurait commencé après qu'un jeune homme noir cireur de chaussures, Dick Rowland, aurait marché sur le pied d'une jeune femme blanche, Sarah Page, dans un ascenseur.
Décrite comme une «attaque» ou une «tentative de viol», cette affaire prend une ampleur très importante presque immédiatement. Alors que Rowland a été arrêté par la police, un groupe d'habitants blancs se dirige vers le lieu où il est détenu pour s'attaquer à lui. À l'inverse, une poignée d'hommes noirs viennent pour le défendre. La tension monte au point que des balles sont échangées.
La situation dégénère ensuite rapidement, dans une ville où le Ku Klux Klan est particulièrement bien implanté, et où la réussite économique des Noirs a entraîné un fort ressentiment. Le lendemain de l'affrontement, des hommes blancs prennent les armes, et se lancent à l'attaque de Greenwood, tuant froidement sans distinction d'âge ou de sexe, brûlant les commerces et les maisons. Selon les survivants, des bombes incendiaires ont en effet été lancé depuis des avions.
Un casse-tête historique
À la fin de la journée du 1er juin 1921, les émeutes se terminent. Aujourd'hui, les historiens estiment que 300 personnes auraient pu être tuées pendant l'attaque, mais ce chiffre reste peu précis car le sujet est rapidement devenu tabou dans la société américaine, même chez les survivants. Les enfants de ces survivants n'étaient souvent pas au courant de ce qu'il s'était passé, avant qu'une commission d'enquête ne soit finalement ouverte en 1998.
Depuis, des survivants ont été retrouvés, et ont témoigné de ce qu'ils ont vu, les historiens ont travaillé sur le sujet et commencent à avoir une idée plus précise des événements, même si beaucoup de points restent flous. Des fouilles ont d'ailleurs toujours lieu, notamment pour trouver des charniers où auraient été enterrées les victimes. En décembre, des archéologues ont identifié plusieurs «anomalies» pouvant correspondre à de telles choses.
Mais alors que le pays connaît des tensions raciales très importantes depuis la mort de George Floyd, 46 ans, aux mains d'un policier blanc, le massacre de Tulsa revient de plus en plus dans les discussions. Une vidéo virale de Kimberly Jones, auteure engagée, s'agaçant du traitement médiatique centré sur les pillages et non pas sur le message des manifestants, y fait notamment référence. «Pendant 50 ans, à chaque fois que j'ai joué le jeu et que vous n'avez pas apprécié, vous avez tout brûlé comme vous l'avez fait à Tulsa ou à Rosewood (où un autre massacre a eu lieu en 1923, ndlr). Comment pouvons-nous gagner ?», clame-t-elle.
Engagé dans la création de documentaires contre le racisme (comme «Shut Up And Dribble» notamment), LeBron James a annoncé qu'il allait coproduire une série documentaire sur le sujet le 1er juin dernier, 99 ans jour pour jour après les événements. Avec pour objectif que plus jamais les Etats-Unis n'oublient ce massacre, qui résonne toujours aujourd'hui, alors qu'une large partie du pays s'est levé contre les inégalités liées à la couleur de peau.