Soupçonnée d'avoir sous-estimé son bilan du coronavirus, la Chine a annoncé vendredi 1.300 morts supplémentaires à Wuhan, épicentre d'une pandémie qui vaut à Pékin une contraction sans précédent de son économie au 1er trimestre.
Donald Trump, qui avait ces derniers jours fustigé la gestion par Pékin de l'épidémie naissante, venait de présenter son plan pour faire «redémarrer l'Amérique», «prochaine phase» de la «guerre» contre le coronavirus.
Quelques heures plus tard, la mairie de Wuhan créait la surprise en révisant ses chiffres à la hausse avec 1.290 décès supplémentaires.
Ce nouveau décompte porte à 4.632 le bilan des décès enregistré dans le pays le plus peuplé du monde.
Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, la ville de 11 millions d'habitants placée sous quarantaine à partir de fin janvier explique qu'au plus fort de l'épidémie, certains patients sont décédés chez eux faute de pouvoir être pris en charge dans les hôpitaux.
Ils n'avaient donc pas été comptabilisés jusqu'à présent dans les statistiques officielles qui ne prennent en compte que les personnes décédées à l'hôpital.
Ces nouvelles statistiques font bondir de 50% le bilan de la seule ville de Wuhan, qui s'inscrit désormais à 3.869 morts.
Plus de deux millions d'infectés
Depuis son apparition dans la métropole chinoise de Wuhan en décembre 2019, la maladie a infecté plus de deux millions de personnes à travers le monde.
Cette annonce chinoise vient renforcer les doutes quant aux bilans officiels des autorités, accusées d'opacité dans leur gestion de la crise.
Le président français Emmanuel Macron a ainsi estimé jeudi qu'il existait des zones d'ombre dans la gestion de l'épidémie par la Chine, déclarant au Financial Times qu'il y avait «manifestement des choses qui se sont passées qu'on ne sait pas».
Apparition dans un marché en plein air de la métropole chinoise de Wuhan où des animaux exotiques étaient vendus vivants? Laboratoire chinois qui étudiait les coronavirus chez les chauves-souris sans respect des protocoles de sécurité?
Les théories vont bon train et les accusations se multiplient de la part de plusieurs pays occidentaux quant aux informations fournies par Pékin sur l'origine du virus.
Le président russe Vladimir Poutine, dont le pays compte près de 28.000 malades, est un des seuls à prendre la défense de Pékin, jugeant jeudi «contreproductives» ces accusations.
Pékin a par ailleurs publié vendredi ses chiffres officiels du PIB: l'économie chinoise a connu un repli de 6,8% sur un an au 1er trimestre. La Chine n'avait pas connu de telle contraction de son économie depuis l'établissement des statistiques trimestrielles au début des années 1990.
Aux Etats-Unis aussi l'économie sera fortement touchée. Pour réduire l'impact financier du confinement, Donald Trump souhaite rouvrir le pays le plus tôt possible.
Il a ainsi estimé jeudi que les Etats «en bonne santé» pouvaient redémarrer «littéralement dès demain», avant l'échéance du 1er mai un temps évoquée, lors de sa conférence de presse quotidienne sur la crise sanitaire, mentionnant le Montana, le Wyoming ou le Dakota du Nord, relativement épargnés.
Plus de 2.135.410 cas du nouveau coronavirus ont été officiellement déclarés dans le monde, dont au mois 141.127 décès, selon un comptage AFP jeudi à 19H00 GMT à partir de sources officielles, et sans doute inférieur à la réalité.
Les Etats-Unis paient le plus lourd tribut, avec près de 33.000 décès pour 667.800 cas de Covid-19. Suivent l'Italie (avec 22.170 morts), l'Espagne (19.130), la France (17.920) et le Royaume-Uni (13.729).
Et l'Amérique latine n'est pas en reste.
Darwin Castillo, ouvrier de 31 ans d'Equateur, a littéralement perdu son père dans le chaos du Covid-19 à Guayaquil, une des villes les plus affectées d'Amérique latine: il est allé en récupérer le corps dans une morgue bondée. Mais le sac mortuaire contenait le corps d'un autre.
«Lui offrir une sépulture»
«Je ne rejette pas la faute sur la morgue ou l'hôpital - il y avait des gens qui mouraient dans l'entrée. Je voudrais juste retrouver mon père et lui offrir une sépulture chrétienne, donner un bouquet de roses à mon vieux», a-t-il expliqué à l'AFP.
Du côté de l'Europe, tiraillées entre les impératifs sanitaires et l'urgence de minimiser les coûts sur l'emploi ou la croissance, les autorités avancent vers le déconfinement en ordre dispersé.
Mais plus de la moitié de la population mondiale reste confinée. Et si en Europe l'anticipation d'un «retour à la normale» se base sur un ralentissement des admissions en soins intensifs et des hospitalisations, la pandémie de Covid-19 est loin d'être jugulée: elle a franchi jeudi un nouveau seuil, avec plus de 140.000 morts recensés dans le monde.
L'Europe reste dans «l'oeil du cyclone» et ne doit «pas baisser la garde», met en garde l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en notant des «chiffres constants ou accrus» de contaminations au Royaume-Uni et dans l'est du continent.
Au Royaume-Uni justement, le gouvernement a décidé de prolonger le confinement «pour au moins trois semaines».
A rebours des espoirs de déconfinement européens et américains, certains pays ont fait le choix inverse d'un renforcement du confinement.
En Asie, le gouvernement japonais a ainsi étendu l'état d'urgence à l'ensemble de l'archipel nippon et une distribution de masques dans tous les foyers du pays était prévue vendredi.