Le nouveau coronavirus pourrait provoquer une "catastrophe" dans les prisons surpeuplées du régime en Syrie, où le manque de soins médicaux expose plusieurs dizaines de milliers de détenus au risque de contamination, ont mis en garde des ONG.
"Un seul cas de coronavirus dans les centres de détention (...) sera catastrophique", a indiqué mardi à l'AFP Sara Kayyali, chercheuse à Human Rights Watch (HRW).
"Pas seulement parce que le virus est hautement infectieux et mortel dans certains cas, mais aussi parce que le gouvernement syrien a torturé, maltraité et commis des abus à l'égard des détenus", qui se retrouvent donc particulièrement vulnérables, a ajouté Mme Kayyali.
Aucun patient atteint de la maladie Covid-19 n'a été signalé dans les geôles du régime, mais les craintes ont été ravivées avec l'annonce officielle dimanche d'un premier cas enregistré dans les territoires gouvernementaux.
Les prisonniers, entassés dans des cellules exiguës, vivent dans des conditions propices à la propagation de maladies, souvent privés de soins médicaux et d'une bonne aération, dénoncent les organisations de défense des droits humains.
Selon Amnesty International et HRW, beaucoup parmi ces dizaines de milliers de détenus ont été arrêtés pour avoir participé au soulèvement en 2011 contre le président Bachar al-Assad, ayant ouvert la voie au conflit armé qui déchire depuis le pays, faisant plus de 380.000 morts.
"Ces neuf dernières années, nous avons constaté que les forces de sécurité (...) ne fournissaient aucun type de soins médicaux, même pour des maladies considérées comme simples par rapport au coronavirus", a averti mardi Diana Semaan, chercheuse sur la Syrie à Amnesty.
"Si le nouveau coronavirus se propage dans les prisons ou les centres des services de sécurité (...), cela entraînera une catastrophe humanitaire majeure", a-t-elle également estimé.
Plusieurs ONG ont documenté ces dernières années les abus pratiqués dans les prisons syriennes, y compris des actes de torture, des privations prolongées de nourriture ainsi que des exécutions sommaires.
Beaucoup de détenus sont morts des suites de maladies ou à cause des mauvaises conditions d'incarcération, selon les organisations de défense.
- Décret d'amnistie -
Craignant le pire, 43 ONG en majorité syriennes, dont beaucoup basées hors du pays, ont exhorté lundi le gouvernement a libérer les prisonniers politiques.
Leur déclaration commune appelle aussi les autorités à autoriser l'accès aux centres de détention à des organisations internationales telles que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Mardi, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a plaidé pour "une libération à grande échelle de personnes détenues et arrêtées arbitrairement".
Tout en appelant à "un accès immédiat à tous les centres de détention pour les organisations humanitaires pertinentes", M. Pedersen a demandé "des mesures urgentes pour assurer les soins médicaux appropriés et de protection dans tous les lieux de détention".
Dimanche, le président Assad a adopté un décret réduisant les peines de prison pour divers crimes.
Les prisonniers atteints de maladies chroniques ou en phase terminale ainsi que ceux âgés de plus de 70 ans peuvent également bénéficier d'une libération anticipée.
Le décret, publié par les médias d'Etat, ne précise pas le nombre de détenus concernés.
Nizar Sadqani, vice-ministre de la Justice, a déclaré à la télévision syrienne qu'un des objectifs de cette amnistie était de "réduire le surpeuplement dans les prisons", notamment dans le cadre de "considérations pratiques à la suite de l'épidémie du coronavirus", selon l'agence officielle Sana.