Déjà en vigueur au Rwanda, à Maurice, le confinement pour enrayer la propagation du virus a été imposé lundi à Lubumbashi la capitale économique de la République démocratique du Congo. D'autres pays d'Afrique envisagent aussi cette mesure drastique, dans un contexte matériel et culturel peu propice.
Police et armée déployées, magasins fermés y compris les commerces d'alimentation, rues désertes, aucun transport : Lubumbashi (environ quatre millions d'habitants) s'est mise à l'arrêt lundi pour 48 heures sur ordre des autorités provinciales.
A la frontière de la Zambie, au coeur de la ceinture de cuivre et de cobalt, Lubumbashi est le siège de l'économie minière de la RDC.
Le gouverneur de la province du Haut-Katanga a pris cette décision en annonçant que deux passagers ont été testés positifs au Covid-19 dès leur descente d'avion dimanche en provenance de Kinshasa, à bord d'un vol régulier avec 77 passagers au total.
Des échantillons ont été envoyés l'Institut national de recherche biomédicale (INRB) à Kinshasa pour confirmer les résultats de ces tests rapides, a précisé le ministre de la Santé du gouvernement central, Eteni Longondo.
Les 30 cas officiellement déclarés depuis le 10 mars en RDC -dont deux décès- l'ont tous été dans la capitale aux dix millions d'habitants.
«Kinshasa en quarantaine»
Quatre députés ont demandé de «placer Kinshasa en quarantaine et de l'isoler du reste du pays», pour éviter la propagation du virus sur l'ensemble du territoire du plus grand pays d'Afrique francophone (2,3 millions de km2, au moins 80 millions d'habitants).
La RDC doit aussi envisager «le confinement progressif des populations», ajoutent-ils dans leur déclaration commune. Une réunion sur le coronavirus est prévue à la présidence lundi après-midi.
En Afrique de l'Ouest, les présidents du Sénégal Macky Sall et de la Côte d'Ivoire Alassane Ouattara pourraient annoncer de nouvelles mesures ce lundi, après les premières déjà prises (fermeture des frontières et des lieux publics...).
A Dakar, la direction générale de la police a préparé un «plan de mobilisation», afin notamment de «se préparer aux éventuelles décisions de confinement de localités», selon une directive prise samedi.
Avec 67 cas officiellement déclarés (mais aucun décès), le Sénégal est l'un des pays d'Afrique de l'Ouest où le coronavirus est le plus présent.
Au Burkina-Faso -24 nouveaux cas pour un total de 99- les autorités «envisagent de plus en plus un confinement total des populations sur une période de deux à trois semaines», selon une source sécuritaire.
En Afrique centrale, le président gabonais Ali Bongo Ondimba a annoncé un confinement partiel de 19H30 à 6H du matin, qui a débuté dimanche.
Au Cameroun voisin (56 cas déclarés officiellement), le confinement fait débat. «On espère ne pas arriver à un confinement de tout le pays», a déclaré dimanche soir le ministre de la Santé, le Dr Malachie Manaouda. Des internautes le réclament pourtant.
Le Rwanda (17 cas déclarés) a interdit dès samedi soir «les déplacements non-essentiels».
«Deux semaines sans travail dans une ville où tout est cher, c'est une condamnation à mort», s'est alarmé Alphonse 29 ans, moto-taxi.
Depuis vendredi, les 1,3 million habitants de l'île Maurice, située à environ 1.800 km au large de la côte orientale de l'Afrique, doivent également rester confinés chez eux pendant 14 jours.
Géant d'Afrique de l'Ouest, le Nigeria tente tant bien que mal de faire respecter les mesures déjà en vigueur, à commencer par l'interdiction des rassemblements.
«Qu'est-ce qu'on va manger ?»
«Dispersez-vous et rentrez chez vous. Pour votre propre bien. Ne revenez pas demain», a crié dimanche la police en dispersant les sportifs et les vendeurs de rue postés devant le stade national de Surulere, un quartier populaire du centre de Lagos.
«Qu'est-ce qu'on va manger, que vont manger nos clients», s'indigne Alice, vendeuse de fruits et légumes. «Je paie (mes légumes) à crédit, et maintenant je ne peux plus les vendre. On a besoin de survivre, on ne peut pas rester à la maison !».
«En réalité le confinement partiel ou total risque d'avoir des effets désastreux pour le continent africain», s'inquiète l'écrivaine camerounaise Calhixte Beyala, sur sa page Facebook.
«Les populations les plus démunies en seront les premières victimes, elles crèveront de faim ou du moins leur organisme fragilisé par la malnutrition les rendra fragiles face au virus», selon elle.
«Il convient de trouver pour l'Afrique des stratégies d'urgence qui répondent mieux aux besoins de nos peuples», conclut-elle.