C'est une première dans l'histoire des Pays-Bas. Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a présenté ce dimanche 26 janvier des excuses au nom du gouvernement pour la persécution des Juifs aux Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale, à la veille du 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz.
«Maintenant que les derniers survivants sont encore parmi nous, je présente aujourd'hui (dimanche) mes excuses au nom du gouvernement pour l'action des autorités à l'époque», a déclaré le dirigeant néerlandais, au pouvoir depuis 2010, devant un parterre de représentants de la communauté juive, de personnalités politiques et de rescapés, au cours d'un hommage national aux victimes de la Shoah à Amsterdam.
«Je le fais en étant conscient qu'il est impossible de mettre des mots sur quelque chose d'aussi grand et horrible que l'Holocauste», a poursuivi Mark Rutte, coiffé d'une kippa bleue. Sur les 140.000 Juifs que comptait le pays à l'époque, 102.000 ont été tués, mais les autorités néerlandaises n'avaient jusque-là jamais reconnu leur rôle dans cette tragédie.
En 2000, le Premier ministre d'alors Wim Kok avait seulement présenté des excuses pour «l'accueil glacial» réservé aux rescapés des camps de concentration et d'extermination à leur retour aux Pays-Bas, occupés par les Allemands de 1940 à 1945. En 2012, Mark Rutte, déjà Premier ministre, avait de son côté estimé qu'il n'y avait pas suffisamment d'informations sur l'action du gouvernement à l'époque, ni de «soutien assez large» pour justifier des excuses officielles, malgré plusieurs appels lancés, notamment par le député d'extrême droite Geert Wilders, pour que le gouvernement présente des excuses pour le rôle de l'Etat néerlandais dans la persécution des Juifs sous l'occupation allemande.
«Trop de fonctionnaires ont exécuté les ordres de l'occupant»
Le dirigeant, membre du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), est donc revenu sur ses positions ce dimanche, à la veille des commémorations du 75e anniversaire de la libération par l'armée soviétique du camp de la mort d'Auschwitz (situé dans l'actuelle Pologne), où environ un million de Juifs ont été tués pendant la Seconde Guerre mondiale. «Nos institutions gouvernementales n'ont pas agi en tant que gardiens de la justice et de la sécurité», a-t-il regretté, ajoutant que «trop de fonctionnaires néerlandais avaient exécuté les ordres de l'occupant».
«Les conséquences amères de l'élaboration de registres (de Juifs) et des expulsions n'ont pas été suffisamment reconnues, ni reconnues à temps. (...) Dans l'ensemble, c'était trop trop peu. Trop peu de protection. Trop peu d'aide. Trop peu de reconnaissance», a-t-il poursuivi. Des excuses qu'il a jugées indispensables dans le contexte de résurgence de l'antisémitisme, observable dans de nombreux pays, dont la France. «Soixante-quinze ans après Auschwitz, l'antisémitisme est toujours parmi nous. C'est précisément pourquoi nous devons pleinement reconnaître ce qui s'est passé à l'époque et le prononcer à haute voix», a-t-il clamé.
Un message qui fait écho à celui qu'a voulu faire passer la quarantaine de dirigeants internationaux - dont Emmanuel Macron et Vladimir Poutine - réunis au Forum mondial de l'Holocauste à Jérusalem (Israël) jeudi 23 janvier. Au-delà de la perpétuation de la mémoire de la Shoah, ceux-ci ont profité de l'événement pour montrer que la communauté internationale était plus que jamais unie pour lutter contre l’antisémitisme.