Ils sont l'avenir de l'extrême droite en Europe, et déjà le présent pour certains. De l'Espagne à l'Autriche en passant par les Pays-Bas, la vague populiste qui a déferlé sur le Vieux Continent ces dernières années a fait émerger sur la scène politique de nouveaux visages, symboles du nationalisme. Portrait de cinq des plus emblématiques d'entre eux.
Santiago Abascal (Vox, Espagne, 43 ans)
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Il est celui qui a ressuscité l'extrême droite espagnole, dans un pays pourtant encore marqué par la dictature de Franco (1939-1975). Santiago Abascal, 43 ans, reconnaissable à sa barbe toujours parfaitement taillée, est le leader du parti Vox, désormais troisième force politique d'Espagne depuis les élections du 10 novembre, qu'il a cofondé en 2014 avec d'autres anciens membres déçus du Parti Populaire (PP, droite), accusé de «mollesse». Avant Vox, la carrière politique de Santiago Abascal peinait à décoller. Elle se limitait en effet au Pays basque, où le politicien professionnel est né (à Bilbao) et où il a été député au parlement régional entre 2004 et 2009.
Aujourd'hui à la tête d'un contingent de 52 députés au Parlement (sur 350 membres), ce père de quatre enfants de deux mariages différents bouscule le paysage politique espagnol avec ses prises de position radicales. Il prône par exemple l'interdiction des partis séparatistes, l'expulsion de tous les sans-papiers, ou encore l'abrogation de la loi contre les violences sexistes. Son leitmotiv, la défense de la patrie espagnole. Une valeur qui lui vient en partie de sa jeunesse, période durant laquelle sa famille était menacée par les séparatistes basques de l'ETA, un groupe armé clandestin qui s'est dissous en 2018. Depuis lors, il a pris pour habitude de se déplacer avec un pistolet Smith & Wesson à la ceinture.
Thierry Baudet (forum pour la démocratie, Pays-Bas, 36 ans)
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Parmi les nouvelles figures de l'extrême droite européenne, Thierry Baudet détonne. Le fondateur et chef du Forum pour la démocratie (FvD) cultive en effet un côté intellectuel et raffiné, à l'opposé par exemple d'un Matteo Salvini, le patron italien de la Ligue, dont l'agressivité et l'aspect sulfureux ne sont plus à démontrer. Titulaire d'un doctorat en droit, le député de 36 ans est adepte des références classiques dans ses discours (telles que «la chouette de Minerve»), ne cache pas son estime pour l'écrivain français Michel Houellebecq, et n'hésite pas à se montrer en train de jouer au piano ou aux échecs sur les réseaux sociaux.
Mais sous les apparences élégantes de cet homme d'origine franco-indonésienne se cachent des positions classiques de l'extrême droite : anti-immigration, eurosceptique (il veut un référendum sur le «Nexit», c'est-à-dire sur la sortie des Pays-Bas de l'UE), climatosceptique (il trouve la transition écologique coûteuse et inutile) et sexiste (les femmes occidentales sont selon lui à l'origine du «déclin démographique de l'Europe» à cause de leur envie de travailler). Ce savant mélange a permis à celui qui tient son nom à consonance francophone de ses lointaines origines wallones d'arriver en tête des élections provinciales en mars, à la surprise générale. Mais Thierry Baudet a connu un sérieux revers deux mois plus tard, lors des européennes, que son parti a terminé à la quatrième place.
Tino Chrupalla (AfD, Allemagne, 44 ans)
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Il est pour l'instant inconnu du grand public, mais il ne devrait pas le rester longtemps. Tino Chrupalla vient en effet de prendre la tête du parti d'extrême droite anti-immigration Alternative pour l'Allemagne (AfD), troisième force politique au Bundestag, le parlement allemand. Un symbole du rôle de plus en plus prépondérant pris par «l'Aile» («Der Flügel»), le courant radical de la formation. Même s'il ne fait pas partie de cette mouvance, Tino Chrupalla, peintre en bâtiment de 44 ans, a été soutenu par celle-ci et par son sulfureux fondateur, Bjorn Höcke, chef de file de l'AfD en Thuringe.
Certes, sa candidature a également été soutenue par les «modérés» au sein de la formation, mais ce député d'une circonscription de Saxe, dans l'est de l'Allemagne, où l'extrême droite réalise ses meilleurs scores, n'a pas grand-chose à voir avec eux. En mars 2018, cet ancien militant du mouvement de jeunesse de la CDU d'Angela Merkel a par exemple utilisé un terme emprunté au nazisme, «Umvolkung» («remplacement ethnique» en français), pour dénoncer l’immigration musulmane, avant de rencontrer, en mai dernier à Berlin, Steve Bannon, le controversé ancien stratège de Donald Trump.
André Ventura (Chega !, Portugal, 36 ans)
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Il restera dans l'histoire comme le premier député d'extrême droite portugais élu depuis l'instauration de la démocratie dans le pays, en 1974. En entrant au Parlement portugais en octobre dernier, André Ventura, 36 ans, fondateur du parti nationaliste et antisystème Chega ! («Ça suffit !» en français), a mis fin à l'immunité dont semblait bénéficier jusque-là le Portugal vis-à-vis de l'extrême droite, au sein d'une Europe atteinte quasiment partout de la fièvre populiste. Malgré tout, ce docteur en droit public et professeur à l’université de Lisbonne, ancien du Parti social-démocrate (PSD, centre droit), refuse l'étiquette d'extrême droite, et se dit plutôt conservateur.
Jusque-là, André Ventura était principalement connu des amateurs de football, puisque ce fan du Benfica Lisbonne commentait les matchs sur une chaîne de télévision privée, CMTV. Il avait déjà tenté sa chance aux élections européennes de mai dernier, au sein d'une coalition de partis populistes de droite, sans parvenir à se faire élire. Critique envers l'UE, André Ventura a également des positions hostiles à l'immigration. Après l'attentat de Nice en 2016, il avait déclaré sur Facebook qu'il défendait «la réduction drastique de la présence islamique dans l'Union européenne».
Norbert Hofer (FPö, Autriche, 48 ans)
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Le visage policé de l'extrême droite. En Autriche, Norbert Hofer, 48 ans, a officiellement pris la tête en septembre dernier d'un parti, le FPÖ, en pleine crise, suite à l'éclatement en mai d'un scandale de corruption, l' «Ibizagate». Une affaire qui avait provoqué l'explosion de la coalition gouvernementale entre la droite et l'extrême droite, mise sur pied fin 2017, et la convocation de nouvelles élections, que le FPÖ a fini à la troisième place.
Voix douce, allure débonnaire, discours plutôt consensuel, toujours souriant, Norbert Hofer fait tout pour «dédiaboliser» son parti, fondé par d'anciens néonazis dans les années 1950. Le finaliste malheureux de la présidentielle 2016, perdue face à l’écologiste libéral Alexander Van der Bellen, est même allé jusqu'à renoncer à porter un bleuet à sa boutonnière, signe de reconnaissance des pronazis autrichiens dans les années 1930. Malgré tout, celui qui se déplace toujours à l'aide d'une canne - séquelle d'un grave accident de parapente en 2003 - garde un discours extrêmement strict, fondé notamment sur le principe de la «priorité nationale», n'hésitant pas en privé à qualifier les migrants d' «envahisseurs» et à vouloir construire un mur à la frontière pour empêcher leur venue en Autriche.