Le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez a remporté dimanche 10 novembre les quatrièmes législatives en quatre ans en Espagne mais, affaibli, n'a pas amélioré ses chances de gouverner alors que le parti d'extrême droite Vox est devenu la troisième force politique du pays, à la faveur de la crise catalane.
Après le dépouillement de près de 100 % des bulletins de vote, le Parti socialiste (PSOE) de Pedro Sanchez, qui espérait obtenir une majorité claire pour mettre fin au blocage politique qui mine le pays depuis 2015, ne compte plus que 120 députés contre 123 après le précédent scrutin, en avril.
Sous les cris d'encouragement de ses partisans, il s'est engagé à «débloquer la situation politique et à former un gouvernement progressiste».
S'il parvient à être reconduit au pouvoir par la chambre des députés, ce qu'il n'avait pas réussi à faire après le scrutin d'avril, M. Sanchez devra se contenter d'un fragile gouvernement minoritaire obligé de négocier des appuis au cas par cas au Parlement.
Vox, formation ultranationaliste et anti-immigration entrée au parlement en avril avec 24 élus, a poursuivi son ascension fulgurante et remporté 52 sièges.
Elle devient ainsi la troisième force politique d'un pays où l'extrême droite était, avant son irruption, marginale depuis la fin de la dictature de Franco (1939-1975).
C'est l'ascension «la plus fulgurante de la démocratie espagnole», s'est écrié, devant des centaines de militants brandissant des drapeaux espagnols, son chef Santiago Abascal, dont le résultat a été salué par les leaders d'extrême droite français Marine Le Pen et italien Matteo Salvini.
Le Parlement bloqué
Les conservateurs du Parti populaire (PP, 87 sièges) ont eux redressé la barre après le pire résultat de leur histoire en avril (66 sièges) tandis que la gauche radicale de Podemos a perdu sept députés (35 contre 42 en avril) et que les libéraux de Ciudadanos se décomposent et tombent de 57 à 10 députés.
Mais le parlement est une fois de plus bloqué, comme il l'est depuis la fin du bipartisme PP-PSOE en 2015 avec l'arrivée de Podemos et de Ciudadanos.
Ni un bloc de gauche (PSOE, Podemos et sa liste dissidente Mas Pais) ni une alliance des droites (PP, VOX et Ciudadanos) n'atteignent la majorité absolue de 176 sièges sur 350.
Vox a surfé sur la crise en Catalogne qui a dominé la campagne après les nuits de violences ayant suivi la condamnation mi-octobre de neuf dirigeants indépendantistes à de lourdes peines de prison pour la tentative de sécession de 2017.
M. Abascal a martelé son discours virulent prônant l'interdiction des partis séparatistes, la suspension de l'autonomie de la région et l'arrestation de son président indépendantiste Quim Torra. Il s'en est aussi vivement pris aux migrants venus d'Afrique qu'il accuse d'une prétendue hausse de la délinquance.
Cependant au total les partis de droite qui prônaient tous une politique dure contre les séparatistes catalans n'ont progressé que de deux sièges, en raison de la déroute de Ciudadanos.
En face, les partis indépendantistes catalans ont consolidé leur représentation: à trois, ils totalisent 23 sièges (contre 22 en avril) sur les 48 (bien 48) qui étaient en jeu en Catalogne.
Durant la campagne, Pedro Sanchez a tenté de mobiliser son électorat contre la montée de Vox, qu'il présentait comme un retour du franquisme, en dénonçant la droite qui n'a pas hésité à s'allier avec ce parti pour prendre le contrôle de l'Andalousie, la région plus peuplée d'Espagne, de la région de Madrid, la plus riche, et de la mairie de la capitale.
Le résultat de dimanche augure d'une poursuite de l'instabilité politique.
Un accord des partis de gauche ?
Antonio Barroso, analyste du cabinet Teneo, entrevoit deux voies, toutes deux difficiles, pour former un gouvernement.
La première : «un accord entre partis de gauche --PSOE, Podemos et Mas Pais-- mais qui requiert l'abstention de partis plus petits lors du vote de confiance».
La deuxième : une abstention du PP pour laisser Pedro Sanchez gouverner en minorité. Mais «la concurrence entre le PP et Vox incite le PP à ne pas permettre la formation d'un gouvernement de gauche», a-t-il expliqué à l'AFP.
«Il sera difficile de débloquer la situation mais personne en ce moment n'a la tête à convoquer de nouvelles élections. C'est l'élément le plus important qui nous évitera un retour aux urnes», a cependant ajouté Oriol Bartomeus, professeur à l'Université autonome de Barcelone.