Il l'aurait suivie en voiture avant de se garer pour se masturber. Jeudi 10 octobre, à Nabeul en Tunisie, une jeune femme de 19 ans a dénoncé son agresseur présumé sur les réseaux, joignant des photos à son témoignage. Sans le savoir, elle lançait alors #EnaZeda, la version tunisienne du mouvement #MeToo.
Sur les clichés, les internautes ont immédiatement reconnu Zouheir Makhlouf, un député de Qalb Tounès («Au cœur de la Tunisie»), le parti fondé par Nabil Karoui, perdant du second tour de la récente présidentielle tunisienne.
Niant immédiatement les faits, l'homme s'est lui aussi exprimé sur les réseaux sociaux, expliquant que son diabète l'oblige parfois à «uriner d'urgence» dans une bouteille. Une version que sa femme soutient dans un statut publié sur son propre compte Facebook.
Une enquête ouverte pour harcèlement sexuel et outrage public à la pudeur
Mais, dans le même temps, le parti Qalb Tounès annonçait des investigations internes, le parquet ouvrait une enquête pour harcèlement sexuel et outrage public à la pudeur et, surtout, la colère des Tunisiennes se réveillait.
Sous le hashtag #EnaZeda (littéralement «moi aussi» en arabe tunisien), les témoignages de femmes se disant victimes d'agressions sexuelles ont afflués. Parmi eux, celui de la ministre de l'Emploi, Saïda Ounissi :
Je commence alors si ça peut vous encourager.C’était un Kangoo blanc. Pareil que Zouheyr Makhlouf mais devant le collège. Il m’a appelé.J’avais 12 ans.J’ai eu peur des voitures blanches pendant longtemps. Depuis hier, le même sentiment ressenti 20 ans plus tôt me terrasse. Intact
— Saida Ounissi (@SaidaOunissi) October 11, 2019
Ainsi que celui de la blogueuse et activiste Lina Ben Mhenni selon qui il n'y a pas «une seule femme en Tunisie qui n’ait pas subi un harcèlement sexuel».
#enazeda le #metoo tunisien enfin là ! pic.twitter.com/WEkFtCcuIH
— lina ben mhenni (@benmhennilina) October 12, 2019Mais, surtout,
Et avec elles, des anonymes toujours plus nombreuses qui racontent les agressions, la peur et les techniques de défense qu'elles sont forcées de mettre en place pour faire face.
J’ai 19 ans. Je prenda le metro 2 pour aller travailler. Un frotteur monte a l’arrêt mohamed 5, sort son penis et se frotte contre moi et ejacule sur ma cuisse. Je descends à l’arrêt suivant et m’effondre au sol de peur. J’ai crié et pleuré et personne n’a réagi. #enazeda
— zoé (@zemeoz) October 15, 2019
Être obligée de prendre en photo la plaque d’immatriculation du taxi et l’envoyer à ma mère pour éviter toute tentative de viol ! #EnaZeda
— Meriem_BenMiled (@meriemBenMiled) October 15, 2019
Allez je me lance. Il était employé chez ma mère. J'avais 6 à 9 ans. Souvenir flou. Il aimait bien se frotter contre mes fesses. J'étais trop jeune/innocente pour comprendre. Des flashs sont revenus à 25 ans #EnaZeda
— Nadia SOUAI (@nadiaSOKA) October 16, 2019
La clé la plus pointue entre les doigts à chaque trajet dans la rue le soir. Mon père m’appris la technique. Je l’ai transmise à ma sœur. #EnaZeda
— Nessryne J (@sasoukee) October 15, 2019
Une page Facebook dédiée a été créée et un projet de podcast est soutenu par le média indépendant tunisien Inkyfada.
Un appel à témoins a été lancé pour faire entendre la voix de ces femmes tunisiennes. Celles qui ont décidé de ne plus se taire.