La grande foire internationale de l'art, nommée Art Basel, se tient chaque année à Bâle, en Suisse. Alors que cette année, elle a accordé une large place aux artistes engagées dans le sillage du mouvement «MeToo», elle a été rattrapée, elle aussi, par la polémique.
Parmi les pièces phares exposées pour cette 50ème édition figure notamment une vaste installation de l'artiste américaine Andrea Bowers, qui juxtapose des noms de personnalités accusées de harcèlement ou d'agressions sexuelles depuis qu'a éclaté le scandale Harvey Weinstein aux Etats-Unis à l'automne 2017.
Banderoles pour Harvey Weinstein
Pour elle, ce mouvement marque un moment où ces comportements ne sont plus normalisés et soulèvent la question de savoir comment y remédier. «Parce que c'est tellement important pour moi, j'ai voulu le documenter», a-t-elle poursuivi.
L'installation comporte deux banderoles consacrées à l'ancien producteur américain Harvey Weinstein, inculpé de deux agressions sexuelles et catalyseur du mouvement #MeToo.
Mais elle inclut aussi une banderole consacrée au président américain Donald Trump, à l'ancien président Bill Clinton, à deux juges de la Cour Suprême, ainsi qu'à une foule d'acteurs, musiciens, journalistes, artistes, avec une écrasante majorité d'hommes mais aussi quelques femmes visées par des accusations.
Présenter cette installation à Art Basel n'a pas été aussi facile qu'il y paraissait. La foire attire «certaines des personnes les plus riches au monde et ils connaissent en réalité beaucoup de ces gens», a souligné Andrea Bowers.
Une image utilisée sans autorisation
Mardi, quelques heures après l'ouverture de la foire aux riches collectionneurs, l'installation s'est retrouvée sous le feu des critiques après un tweet d'Helen Donahue, une journaliste free-lance qui avait posté il y a bientôt deux ans des images des bleus sur son corps et son visage pour porter des accusations de viol. Des images utilisées sans son consentement par l'artiste et qui a suscité la colère de la journaliste.
cool that my fucking photos and trauma are heading art basel thx for exploiting us for “art” ANDREA BOWERS @unavailabl DO YOU KNOW HOW FUCKING INSANE IT IS TO FIND OUT MY BEAT UP FACE AND BODY ARE ON DISPLAY AS ART RN FOR RICH PPL TO GAWK AT THRU A STRANGER’S INSTAGRAM STORY pic.twitter.com/5X9vF5hZE5
— helen (@helen) June 11, 2019
«Cool que mes putains de photos et mon traumatisme se retrouvent à Art Basel merci de nous exploiter au nom de 'l'art' ANDREA BOWERS», a-t-elle réagi dans un tweet après avoir découvert l'installation sur instagram.
L'artiste a rapidement présenté ses excuses pour avoir omis de lui demander son consentement et, comme demandé, décroché la banderole portant sa photo.
«Les artistes femmes sont très sous-représentées»
Les oeuvres inspirées du mouvement #MeToo se déclinent sur de nombreux stands de la foire cette année, posant par ricochet la question de la place des femmes sur ce marché.
«Les artistes femmes sont très sous-représentées», juge Clare McAndrew, l'auteur d'un rapport sur le marché de l'art réalisé en partenariat avec la banque suisse UBS et les organisateurs de la foire.
L'an passé, les oeuvres d'artistes femmes ne représentaient que 8% des lots dans les enchères et ne comptaient que pour 36% des artistes représentés par les galeries, selon ses estimations. Et plus les segments de prix montent, plus elles sont absentes.
Selon les données compilées par Artprice, le spécialiste des cotations du marché de l'art, seule une femme figurait dans le palmarès des vingt plus hautes ventes aux enchères réalisées depuis début janvier, en treizième position, avec une araignée de la sculptrice franco-américaine Louise Bourgeois. Elle a été adjugée en mai à 32 millions de dollars (28,5 millions d'euros) lors d'une vente chez Christie's à New York.