Une situation alarmante. Malgré le tollé international, la Turquie poursuit son offensive dans le nord de la Syrie, visant la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG). Mais les Occidentaux ne veulent pas laisser faire sans rien dire.
De violents combats font rage à la frontière turco-syrienne, entre affrontements terrestres et bombardements aériens. Des «tunnels souterrains» ont été creusés par le groupe kurde, vu comme «terroriste» par Ankara, pour prendre les militaires turcs et leurs supplétifs syriens par surprise. Une rude bataille qui a déjà fait plus de 160 morts chez les Kurdes, dont une soixantaine de civils.
Face à cette opération militaire contestée, la communauté internationale essaie d’organiser la riposte. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE, qui se retrouvent ce lundi 14 octobre à Luxembourg, profiteront de cette occasion pour tenter d’esquisser une réponse européenne.
Une réponse jusque-là inefficace
Les Européens n’ont pas attendu cette réunion pour prendre des mesures, pour l’instant nationales. La France, l’Allemagne et les Pays-Bas ont annoncé la suspension de leurs exportations d’armes vers la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, car «susceptibles d'être employées» contre les Kurdes.
Aux Etats-Unis, Donald Trump est prêt à activer des sanctions fermes contre Ankara, visant son économie, a déclaré le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin vendredi. Mais Washington estime que la Turquie n’a pas «à ce stade» franchi la ligne rouge. Une «solution négociée» est pour l’instant l’option privilégiée. Dans cette optique, les diplomates américains ont été chargés par Donald Trump d’arranger un «cessez-le-feu» entre la Turquie et les Kurdes.
Ces derniers appellent la communauté internationale à agir plus nettement. Ils réclament des Etats-Unis qu’ils ferment «l'espace aérien face à l'aviation turque», leur demandant de «respecter leurs promesses». Washington, allié des Kurdes, est en effet accusé de les avoir abandonnés, en autorisant le transfert de 50 à 100 soldats américains stationnés à la frontière turco-syrienne vers d’autres bases en Syrie, quelques jours avant le début de l’offensive turque. Un redéploiement suivi de l’annonce ce dimanche du retrait de jusqu’à 1.000 autres militaires de la zone. Et ce, alors même que les Kurdes ont été le fer de lance de la lutte contre Daesh, aux côtés de la coalition antijihadiste.
De son côté, la Turquie fait la sourde oreille aux pressions. «Ceux qui pensent pouvoir nous contraindre à reculer avec ces menaces se trompent», a déclaré ce dimanche le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Des conséquences inquiétantes
Les Occidentaux cherchent à entraver l’opération turque d’abord et avant tout car ils craignent les conséquences qu’elle pourrait avoir sur eux. Ils s’inquiètent notamment d’une possible résurgence de Daesh, qui pourrait provoquer une nouvelle vague d’attentats en Europe. Avec le chaos sécuritaire en Syrie, «il y a un risque que les jihadistes soient éparpillés dans la région, et de retour vers l’Europe pour ceux qui en sont originaires», estime Dorothée Schmid, chercheuse à l’IFRI. Une menace à prendre au sérieux, comme le prouve la fuite ce dimanche de 800 proches de jihadistes de Daesh.
La nouvelle catastrophe humanitaire en Syrie qui s’annonce - 130.000 personnes ont déjà fui selon l’ONU - amène par ailleurs avec elle le spectre d’un nouvel afflux migratoire en Europe. De quoi peut-être faire bouger les dirigeants internationaux.