La crise s’enlise. Depuis quatre mois, les Hongkongais protestent plusieurs fois par semaine pour lutter contre l’influence grandissante de Pékin dans la vie politique du territoire autonome. Une contestation qui semble sans issue dans l'immédiat.
La colère, qui était originellement concentrée sur le projet de loi autorisant les extraditions vers la Chine, s’est étendue et dénonce également le manque de démocratie et de libertés individuelles à Hong Kong.
La stratégie du pourrissement
Malgré un dialogue organisé par Carrie Lam, la chef de l’exécutif pro-Pékin, avec 150 Hongkongais en septembre, la situation politique stagne. Ce territoire rétrocédé à la Chine en 1997, après un siècle et demi sous drapeau britannique, possède théoriquement les garanties d’un système autonome. C’est pourquoi les militants demandent aujourd’hui des élections libres ou encore la démission de Carrie Lam.
Cependant, la Chine ne cède pas et a mis en place une stratégie du statu quo pour essouffler le mouvement. «Ils espéraient le même résultat que lors des manifestations pro-démocratie de 2014, qui avaient duré 79 jours, sans succès», explique Michel Bonnin, chercheur au CNRS et spécialiste de la Chine. Seulement, les Hongkongais ont retenu la leçon. La colère n’a fait que se renforcer et les contestataires se sont radicalisés.
Les scènes de guérilla urbaine sont quotidiennes, avec des jets de cocktails Molotov ou de pierres en réaction aux gaz lacrymogènes des forces de l’ordre, qui ont remplacé les sit-in pacifiques et les chaînes humaines. Les lasers utilisés pour aveugler les policiers ont disparu, pour laisser place à des affrontements parfois sanglants, comme lorsqu’un participant a pris une balle policière à bout portant, le 1er octobre. Seuls les parapluies, symboles contestataire depuis 2014, restent.
Encore loin de demander une intervention militaire, le gouvernement du territoire tente de freiner les rassemblements en fermant les métros, en procédant à des arrestations massives (1 900 depuis juin dernier) ou en interdisant les masques utilisés pour se protéger des gaz et pour garder un certain anonymat. Le but est de saper le moral des participants, et éviter une intervention militaire violente qui serait mal vue à l’étranger.
Des conséquences internationales
L’autre stratégie de Pékin consiste à censurer les soutiens des militants à l’étranger. Ainsi, dès qu’une entreprise s’exprime sur le sujet, la Chine met une pression maximale. Un tweet, publié la semaine dernière, d’un exécutif des Houston Rockets, franchise de basket américaine, a créé une crise sans précédent avec la NBA. CCTV, la chaîne télévisée officielle chinoise, refuse même de diffuser les matchs de présaison, et menace de continuer lors des rencontres officielles. Ce mercredi 9 octobre, c’est Apple qui a été accusée de soutenir les «émeutiers» via une application qui localise les policiers.
Les Etats n’ont pas plus de latitude, puisque l’ambassade de Chine en France a dénoncé «la noirceur des intentions de certains », en visant l’Union européenne, qui avait fait part de son inquiétude. «Le pays a une puissance militaire, mais aussi une force commerciale qu’elle compte utiliser pour empêcher les soutiens étrangers à Hong Kong», selon Michel Bonnin. De quoi laisser peu d’espoir quant à l’issue des négociations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis qui doivent reprendre ce jeudi 10 octobre.