Derniers meetings, derniers efforts pour convaincre : les 26 candidats pour la présidentielle tunisienne concluent vendredi une campagne fiévreuse et mouvementée, avant un premier tour dimanche à l'issue totalement incertaine.
Ce dernier jour de campagne devrait également être marqué par une décision de la Cour de Cassation qui doit se prononcer sur un recours contre l'arrestation de Nabil Karoui, l'un des favoris du scrutin, incarcéré depuis le 23 août pour blanchiment d'argent.
Un candidat en grève de la faim
L'homme d'affaires controversé, qui accuse le pouvoir d'avoir instrumentalisé la justice pour l'écarter de la course, a assuré jeudi dans un communiqué qu'il ne se retirerait pas et affirmé avoir entamé une grève de la faim. Ses partisans ont prévu d'aller manifester vendredi devant sa prison de la Monarguia, à une vingtaine de kilomètres de Tunis.
La célèbre avenue Bourguiba, «les Champs-Elysées de Tunis», accueillera tout au long de la journée trois rendez-vous concurrents : un meeting d'Abdelfattah Mourou, le candidat du parti d'inspiration islamiste Ennahdha ; un autre organisé par l'équipe de M. Karoui (dont la campagne est assurée depuis son incarcération par sa famille et par la chaîne de télévision Nessma qu'il a fondée) ; et un rassemblement autour du candidat de la gauche radicale Hamma Hammami.
Le Premier ministre Youssef Chahed effectuera quant à lui une dernière tournée dans des quartiers de la capitale, tandis que d'autres candidats feront d'ultimes déplacements en région.
Rarement une élection n'aura été aussi incertaine que celle de dimanche, en raison du nombre pléthorique de candidats, de l'éclatement des familles politiques comptant plusieurs postulants rivaux et de la difficulté d'identifier des lignes de partage marquées.
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Provocant, le Premier ministre libéral Youssef Chahed a lancé jeudi sur la radio Mosaïque que seuls trois partis - le sien, celui de Nabil Karoui et Ennahdha - comptaient. «Tout le reste n'existe pas sur le terrain», a-t-il lancé.
Pourtant, d'autres candidats peuvent figurer dans le peloton de tête, comme l'avocate anti-islamiste Abir Moussi, le ministre centriste de la Défense Abdelkarim Zbidi, ou encore l'indépendant conservateur au visage impassible, Kaïs Saïed, qui a multiplié les déplacements.
«Cette élection est vraiment celle de l'incertitude», résume le politologue Hatem Mrad.
Et il n'est pas sûr que la campagne ait répondu aux préoccupations majeures des Tunisiens: la crise sociale et économique et la cherté de la vie, entre autres, dans un pays où le chômage est de 15% et où l'inflation frôle les 7%.
La lutte antiterroriste, thème longtemps omniprésent dans une Tunisie traumatisée par les attentats de 2015-2016, n'est plus au coeur des débats.
Pour ajouter à la complexité de la scène politique tunisienne, et au risque de semer davantage de confusion chez les électeurs, une campagne se termine, une autre commence.
En effet, celle des législatives du 6 octobre débute vendredi à minuit. Ce qui fait que, même si samedi est une journée de «silence électoral» pour l'élection présidentielle, la politique continuera.
Le calendrier initial prévoyait la présidentielle en décembre, après les législatives, mais la mort du président Beji Caïd Essebsi en juillet a bouleversé les échéances, et les Tunisiens voteront donc pour élire leurs députés entre les deux tours de la présidentielle.
Dans une note publiée jeudi, l'International Crisis group estime que «l'intensité de la bataille électorale témoigne d'une certaine vitalité démocratique», mais met en garde contre les «risques de déraillement du processus» en raison notamment de la «crise de confiance» des Tunisiens dans leurs institutions et de la férocité de la compétition.
«La Tunisie ne sera pas sauvée mais ne va pas sombrer non plus en 2019», tempère l'éditorialiste Zyed Krichen.
«Les Tunisiens ont expérimenté l'islamisme, les centristes, ils vont peut-être tenter d'autres aventures mirobolantes, un peu inquiétantes, mais je pense que les ingrédients fondamentaux (de la démocratie) ne vont pas changer», affirme-t-il.