Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
MERCREDI 4 SEPTEMBRE
Bonjour à toutes et tous. C’est un plaisir de vous proposer une première chronique après la trêve de l’été. Mais peut-on encore parler de «trêve» ? Les événements, prévisibles ou inattendus, ne prennent jamais de vacances.
Curieusement, si je songe à ces pages d’actualité, je retiens surtout des visages. Comme dans un générique de film. Têtes d’affiche et figurants.
Le visage d’Emmanuel Macron en plein G7 à Biarritz. Il bouge, il accueille, il parle, il cajole Trump, il virevolte, il manie la diplomatie de la surprise avec celle de la courtoisie à la française ; il est partout, il recueille les fruits de son activisme et de son pragmatisme au côté d’une Angela Merkel qui affiche, elle, le masque d’une certaine lassitude – comme l’acceptation de sa lente régression dans l’exercice, trop long sans doute, du pouvoir.
Mais Biarritz est déjà loin, et le président français a eu beau engranger quelques points supplémentaires dans les sondages, il sait bien que l’automne s’annonce délicat et semé d’embûches.
Il y a ensuite le visage de Trump, le Donald, le monstre orange, l’éléphant dans tous les magasins de porcelaine, avec ses mimiques de grand comédien, star suprême de cette télé-réalité qu’est devenue sa politique – tantôt content, tantôt renfrogné, dubitatif, fermé, comme si ce qu’on lui dit et ce qu’il observe ne satisfaisait pas assez le gigantisme de son ego. Certains observateurs américains croient voir chez lui, depuis quelque temps, comme l’amorce d’une crainte, sinon d’une peur – celle de ne pas être réélu. Mais je vois plutôt, moi, l’aveuglante certitude d’un homme qui a osé, l’autre jour, en pointant le ciel du doigt, prononcer cette phrase incroyable : «I’m the chosen one» («Je suis l’élu»).
Un autre blond disruptif et difficile à suivre, c’est le Britannique Boris Johnson. Quelles que soient ses difficultés, son visage reflète la vivacité d’esprit, la malice, la force d’une conviction intime, le goût du pouvoir, celui du conflit, l’orgueil et l’arrogance. Ceux qui l’ont suivi et connu depuis ses débuts, d’abord journaliste puis politicien, affirment que la scène anglaise a rarement connu un tel personnage. Pour l’instant, cependant, il a tout faux. Avenir obscur.
Enfin, un autre «monstre» : Bolsonaro. Combien de temps le Brésil supportera-t-il un tel butor ?
Ces «premiers rôles» ne peuvent faire oublier ceux qui ne sont pas des «figurants», ce sont les visages anonymes, les millions d’inconnus dont les destins conjugués ont aussi fabriqué l’été. A Hong Kong, ce sont les courageux manifestants – dont on peut craindre que Pékin, impérial et impitoyable, ne laissera pas passer leur révolte. En France, les femmes victimes des violences d’hommes abrutis et obscènes. Dans le bassin méditerranéen, les migrants qui fuient et tentent de traverser la mer, et qui se noient. Et partout dans le monde, des gens qui subissent la sécheresse ici, l’ouragan là-bas, l’incendie ailleurs – toute une humanité en proie aux angoisses et aux menaces d’un siècle qui n’a pas 20 ans, mais qui semble parfois en avoir 50.
Alors, on éprouve comme un soulagement heureux à la vision, depuis lundi, des visages épanouis des enfants rentrant à l’école. Les camarades, les nouveaux, mais aussi les anciens, que l’on croyait voir s’éloigner et – miracle ! – «ils sont dans ma classe». On entend cette chanson sans paroles, cette musique sans partition ni orchestre, celle des cours de récréation. Oui, la rentrée, c’est aussi cela, et c’est une chance, ce retour vers le lieu fondateur, l’endroit où tout se joue, où naissent les premières loyautés, les premières découvertes, le creuset de nos existences : l’école.
Il sera bien temps, plus tard, d’évoquer tout ce «quoi de neuf» culturel, littéraire, sportif, qui fait les couvertures des magazines. Contentons-nous, déjà, du chant de ces oiseaux de septembre.