L'Autorité judiciaire a confirmé mardi l'arrestation en Iran de l'universitaire franco-iranienne Fariba Adelkhah, dans un contexte de vives tensions entre Téhéran et les pays occidentaux.
L'arrestation de cette éminente anthropologue spécialiste de l'islam chiite, la dernière en date d'un nombre indéterminé de binationaux détenus en Iran, a été annoncée la veille par Paris qui a demandé des «clarifications» et «une autorisation sans délai pour un accès consulaire».
Le prestigieux institut Sciences Po-Paris, où travaille Mme Adelkhah, 60 ans, a dénoncé une arrestation «inadmissible et révoltante», affirmant «tout mettre en œuvre pour que notre collègue Fariba soit libérée dans les plus brefs délais et les meilleures conditions».
S'exprimant lors d'une conférence de presse à Téhéran,le porte-parole de l'Autorité judiciaire Gholamhossein Esmaïli, a affirmé que Mme Adelkhah «fait partie des suspects qui ont été arrêtés récemment», sans donner la moindre information supplémentaire sur son cas.
«Etant donné la nature de l'affaire (...) le moment n'est pas encore venu de donner des informations sur son cas», a-t-il dit dans cette conférence de presse diffusée en ligne sur Mizan Online, l'agence de presse de l'Autorité judiciaire.
Interrogé si les autorités avaient répondu à la demande d'accès consulaire à Mme Adelkhah, M. Esmaïli a répondu là encore qu'une «décision (serait) prise au moment approprié».
Ne reconnaissant pas la double nationalité, l'Iran n'accorde généralement pas d'accès consulaire aux détenus binationaux.
«Coups des deux côtés»
Selon un ami de l'universitaire et professeur à l'Institut des Hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève, Jean-François Bayart, son arrestation remonterait au 5 juin et elle est actuellement détenue à la prison d'Evine à Téhéran.
«Ce qui s'est passé me préoccupe beaucoup», a commenté lundi le président français Emmanuel Macron. «J'ai exprimé mon désaccord et demandé des clarifications au président (iranien Hassan) Rohani. J'attends des retours et des clarifications», a-t-il dit, regrettant qu'«aucune explication» n'ait été fournie «de manière valable».
«Dans sa prison, elle a reçu la visite de sa famille, elle n’est pas maltraitée mais je suis inquiet car elle n’est pas de constitution très robuste. Et on ignore combien de temps va durer cette détention totalement inadmissible et inacceptable», a déclaré M. Bayart à l'AFP.
Chercheuse au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po-Paris, docteure en anthropologie de l'École des Hautes études en Sciences sociales (EHESS) de Paris, Fariba Adelkhah collabore à plusieurs revues scientifiques comme «Iranian Studies» et «la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée».
Elle est l'auteure de nombreux ouvrages de référence et étudie en particulier les relations des clergés chiites d'Iran, d'Afghanistan et d'Irak, trois pays dans lesquels elle se rend régulièrement.
Fariba Adelkhah est arrivée en 1977 en France pour ses études «et pas du tout comme immigrée politique», a souligné M. Bayart en précisant qu'elle avait «toute sa famille en Iran; elle a toujours refusé de condamner le régime de la République islamique, ce qui lui a valu d’être mal comprise de la diaspora et aussi de prendre des coups des deux côtés».
Vives tensions
Son arrestation survient dans un contexte de vives tensions entre Téhéran et les pays occidentaux depuis que les Etats-Unis sont sortis unilatéralement en mai 2018 de l'accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 à Vienne.
Accusés par l'Iran de ne pas respecter les termes de cet accord, les pays européens dont la France, qui a dépêché un émissaire sur place, s'emploient vainement à essayer de faire retomber la tension et à faire en sorte que l'Iran revienne sur sa décision mise en oeuvre depuis le 8 mai de s'affranchir de certains de ses engagements pris à Vienne.
Plusieurs Iraniens détenteurs d'une autre nationalité sont détenus en Iran.
Au moins quatre ont la nationalité américaine.
Nazanine Zaghari-Ratcliffe, une Irano-Britannique employée de la Fondation Thomson Reuters (dépendant de l'agence de presse canado-britannique du même nom) emprisonnée depuis 2016 et condamnée à 5 ans de prison pour sédition est au coeur d'un bras de fer diplomatique entre Londres et Téhéran.