Monsanto a été reconnu responsable mercredi par un jury américain et condamné à verser près de 81 millions de dollars à un retraité américain souffrant d'un cancer qu'il attribue au Roundup, le désherbant vedette du groupe, racheté par l'allemand Bayer.
C'est un très sérieux revers pour Bayer, déjà condamné dans un procès similaire en août aux Etats-Unis. Bayer s'est d'ailleurs dit «déçu par la décision du jury» dans un communiqué, mais estime que ce verdict «ne change rien au poids de 40 ans de science et de conclusions d'agences de régulation dans le monde entier qui soutiennent que notre désherbant au glyphosate est sûr et qu'il n'est pas cancérigène».
Le groupe a annoncé qu'il allait faire appel de ce jugement.
Le jury a considéré que Monsanto n'avait pas agi de bonne foi pour prévenir les usagers du risque potentiellement cancérigène de son produit, qui contient du glyphosate. Il est donc considéré comme légalement responsable de la maladie du plaignant, qui a usé du désherbant pendant plus de vingt-cinq ans.
Le plaignant et ses avocats se sont longuement enlacés dans la salle d'audience, tout sourire après ce verdict.
Les jurés ont aussi estimé que le Roundup avait un «défaut de conception», qu'il «manquait d'avertissements» sanitaires sur les risques et que Monsanto avait été «négligent».
Parmi les dommages à payer, 75 millions sont des dommages «punitifs» destinés à punir le groupe pour sa conduite.
La semaine dernière, ce même jury avait déjà jugé que le Roundup était un facteur substantiel du cancer d'Edwin Hardeman, ouvrant alors la deuxième phase des débats, consacrée à la responsabilité de Monsanto.
«Aujourd'hui, le jury a montré avec éclat que Monsanto devait rendre des comptes pour ses quarante ans de malfaisance d'entreprise et a envoyé à Monsanto le message qu'il est temps de changer la façon de faire affaire», ont estimé les avocates de M. Hardeman, Jennifer Moore et Aimee Wagstaff.
11.200 procédures aux Etats-Unis
Au-delà de ce procès, Bayer fait face à quelque 11.200 procédures similaires rien qu'aux Etats-Unis. Ce dossier «va encourager» d'autres «plaignants potentiels à entamer des poursuites», explique à l'AFP Carl Tobias, professeur de droit à l'Université de Richmond.
Et si Bayer perd plusieurs autres procès, ¡il lui faudra sérieusement réfléchir à un accord» à l'amiable hors tribunaux pour solder les poursuites, ajoute-t-il. Cela pourrait lui coûter des milliards de dollars.
Le groupe allemand avait déjà été condamné à verser 289 millions de dollars à un jardinier malade d'un cancer en phase terminale lors d'un procès à San Francisco en août. La somme a ensuite été réduite par une juge à 78,5 millions de dollars. Bayer a aussi fait appel de ce jugement.
Le groupe martèle qu'aucune étude, aucun régulateur dans le monde n'a conclu à la dangerosité du glyphosate ou du Roundup entre sa mise sur le marché au milieu des années 70 et 2012, date à laquelle M. Hardeman a cessé de s'en servir.
Au contraire, «Monsanto a influencé et manipulé la science» en dissimulant certains résultats aux régulateurs ou en payant des scientifiques pour qu'ils signent des articles en fait directement rédigés par le groupe, avait accusé Me Aimee Wagstaff, l'une des avocates du plaignant lors des débats.
Bayer a acquis l'américain Monsanto en 2018 pour 63 milliards de dollars. Mais le coût pourrait s'avérer bien plus élevé pour le groupe allemand à mesure que s'additionnent aux Etats-Unis les procès contre Monsanto, spécialiste des produits phytosanitaires et des semences OGM.
Depuis l'acquisition de Monsanto, le cours de Bourse de Bayer a plongé de près de 40%. Pour autant, le rachat de Monsanto par Bayer reste une «bonne idée» malgré l'avalanche de procédures judiciaires contre le Roundup, avait encore estimé dimanche le patron du géant allemand de la chimie Werner Baumann.