Le calme régnait dimanche à Kinshasa et dans le reste de la République démocratique du Congo (RDC), quelques heures après la proclamation par la Cour constitutionnelle de l'opposant Félix Tshisekedi comme président qui a commencé à être félicité par certains dirigeants africains.
Martin Fayulu, l'autre opposant arrivé second du scrutin du 30 décembre, avait appelé à des «manifestations pacifiques» sitôt après le rejet dans la nuit par le plus haut tribunal de RDC de son recours contestant la victoire de M. Tshisekedi.
Mais le dimanche était parfaitement ordinaire à Kinshasa. Les habitants se sont rendus à leurs lieux habituels de culte et la circulation était fluide sur les grandes artères, a constaté un journaliste de l'AFP.
Seul le siège de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti historique d'opposition du président élu M. Tshisekedi, était un peu animé.
Près d'un millier de militants, dont la plupart avaient visiblement passé la nuit sur place, se réjouissaient de la victoire du fils du fondateur de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, mort en 2017.
Alors que M. Fayulu a appelé la communauté internationale à ne pas reconnaitre le président Tshisekedi, ce dernier a reçu les premières félicitations de dirigeants africains, la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) demandant le «respect» de la «souveraineté» de la RDC.
Cette réaction augurait de possibles dissensions au sein de l'Union africaine (UA) dont une délégation de haut niveau, conduite par le président de sa Commission, le Tchadien Moussa Faki, et par son président en exercice, le chef de l'État rwandais Paul Kagame, est attendue lundi à Kinshasa.
L'UA avait souhaité jeudi la «suspension» de la proclamation des résultats définitifs, jugeant ceux de la Commission électorale en faveur de M. Tshisekedi entachés de «doutes sérieux».
L'Union européenne a maintenu ses réserves dimanche, malgré le jugement de la Cour constitutionnelle de Kinshasa.
«Des doutes subsistent sur la conformité du résultat», a estimé un porte-parole de l'UE, appelant les parties à s'abstenir de toute violence et à coopérer avec la délégation de l'UA.
Dans ses premières réactions, le président élu a cherché l'apaisement.
«Ce n'est pas la victoire d'un camp contre un autre», a-t-il déclaré dans une vidéo.
«Demain, le Congo que nous allons former ne sera pas un Congo de la division, de la haine et du tribalisme. Ce sera un Congo réconcilié, un Congo fort, un Congo tourné vers le développement, son développement, dans la paix et la sécurité pour tous.»
«C'est l'aboutissement du combat du père fondateur, mais c'est aussi le commencement d'un autre combat dans lequel je veux engager le peuple congolais», a-t-il ajouté. «Le combat pour un mieux-être. (...) Au travail».
A part son noyau dur de sympathisants, aucune expression massive de liesse n'a encore eu lieu, contrairement au passé, y compris lors des victoires en 2006 et 2011 de l'actuel président Joseph Kabila.
«Putsch électoral»
La Cour constitutionnelle a validé tels quels les résultats de la Commission électorale (Céni) donnant M. Tshisekedi vainqueur avec 38,5% des voix, devant Martin Fayulu (34,8%) et le candidat du pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary (23%).
M. Fayulu avait aussitôt appelé la communauté internationale à «ne pas reconnaître un pouvoir qui n'a ni légitimité ni qualité légale», se proclamant «le seul président légitime».
Il a incité ses compatriotes à organiser «des manifestations pacifiques» sur tout le territoire. Si son appel n'a pas semblé être entendu dimanche matin, il faudra attendre un peu plus longtemps pour savoir s'il sera suivi ou non.
M. Fayulu a dénoncé un «putsch électoral» du président sortant avec la «complicité» de M. Tshisekedi et revendiqué la victoire avec 61% des voix.
Les estimations de l'influente Église catholique et celles du Groupe des experts sur le Congo (GEC) de l'université de New York, à partir de documents qui auraient fuité de la Céni, lui donnent aussi la victoire avec environ 60% des voix.
Le calme régnait aussi à Béni et Butembo (est), où l'élection présidentielle a été annulée en raison de l'épidémie d'Ebola et de massacres de civils, ainsi qu'à Goma plus au sud, selon un correspondant de l'AFP.
Aucun incident n'a été signalé, pas même à Kikwit (ouest), l'un des fiefs de M. Fayulu, où un important déploiement policier avait été observé samedi soir.
M. Tshisekedi, 55 ans, succède à Joseph Kabila, 47 ans, au pouvoir depuis l'assassinat de son père Laurent-Désiré en janvier 2001. C'est la première transmission pacifique du pouvoir depuis l'indépendance de la RDC le 30 juin 1960.
Il devra cohabiter avec un Premier ministre issu de l'actuelle majorité pro-Kabila, qui a obtenu une vaste majorité (337 sièges sur 500) à l'Assemblée nationale d'après la Commission électorale.
«Le 22 (janvier) il y aura probablement prestation de serment, le gouvernement va démissionner et l'Assemblée nationale fera sa rentrée», a dit le porte-parole du gouvernement Lambert Mende sur le site d'information actualité.cd
La rejet du recours de M. Fayulu contestant les résultats de la Céni et réclamant un recomptage des voix, est sans surprise, car elle est largement considérée comme acquise au président Kabila.