La proclamation des résultats provisoires de l'élection présidentielle est toujours officiellement attendue pour dimanche en République démocratique du Congo où, dans les faits, la centralisation des résultats au niveau local était très loin d'être achevée samedi.
A Kinshasa, seuls 187 bureaux de vote sur 687 ont été traités et comptabilisés au niveau du «Centre local de compilation des résultats» (CLCR) de Kalamu, dans la commune populaire de Matonge, a indiqué son président à l'AFP.
Comme celui-ci, les 179 CLCR à travers toute la RDC se trouvent au coeur des tensions post-électorales et des mises en garde contre des fraudes possibles qui inquiètent bien au-delà des frontières de la RDC.
L'enjeu: la succession du président Joseph Kabila que se disputent le candidat du pouvoir, l'ex-ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, et deux opposants, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi.
Également en jeu, des risques de contestations violentes à l'annonce des résultats, qui inquiètent jusqu'à Washington. Le président Trump a annoncé l'envoi de 80 militaires américains au Gabon «en réponse à la possibilité que des manifestations violentes puissent survenir en RDC».
Les CLCR sont un étape stratégique du comptage des voix. Ces centres vérifient et «compilent» (additionnent) les résultats de tous les bureaux de vote de leur zone.
Les CLCR envoient ensuite leur propre résultat pour une «consolidation» définitive au niveau de la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
L'opposition redoute des fraudes et des tricheries à ce stade crucial des opérations de vote.
Dans le CLCR de Kalamu-Matonge à Kinshasa, deux à trois agents électoraux autour d'une table - six tables au total - ouvrent le pli en plastique de chaque bureau de vote qui contient le procès-verbal manuscrit des résultats et le récépissé électronique de la «machine à voter", pour comparaison et vérification.
Les bulletins de vote cartonnés sont recomptés s'il y a une différence entre le procès-verbal et le récépissé.
Les opérations ont lieu en présence des «témoins» des partis politiques, des observateurs et des journalistes. Ils sont assis en rang le long d'un mur et ne peuvent pas circuler autour des tables, ni prendre des photos.
A la fin des opérations pour chaque bureau de vote, ils peuvent consulter la fiche de «reconstitution» du CLCR, le PV et le récipissé. Des témoins et observateurs recopient les résultats sur un cahier.
Un candidat largement en tête
L'un de ces documents consultés par l'AFP indique que dans un bureau de vote, la participation a été inférieure à 50% (278 électeurs sur 658 inscrits). Un candidat est très largement en tête.
La Céni est seule habilitée à proclamer les résultats, a rappelé à la presse le ministre des médias.
Les trois principaux candidats à la succession du président Joseph Kabila ont tous indiqué qu'ils centralisaient leurs propres résultats.
La coalition politique Lamuka autour du candidat d'opposition Martin Fayulu ouvre les portes de son propre centre de compilation.
Ce samedi matin, quatre à cinq personnes appellent dans toutes les provinces des «points focaux» des partis de la coalition, qui eux-mêmes joignent leurs «témoins» dans les bureaux de vote les plus éloignés.
Les opérations se font toutes par téléphone depuis les coupures internet et SMS ordonnées par les autorités dès lundi dernier, au lendemain du scrutin, qui ne permettent plus de transmission des procès-verbaux par Whatsapp ou texto.
Difficulté supplémentaire: des PV ont très vite été retirés des bureaux de vote, ou n'ont pas été affichés, affirme-t-on dans le «call center" de Martin Fayulu.
Visiblement fatiguée, une sympathisante appelle la ville de Butembo «pour avoir les données de la présidentielle». En cours de conversation, elle se rappelle que l'élection a été annulée dans cette ville du Nord-Kivu en raison de l'épidémie Ebola.
Un tableau traîne sur la table. La «compilation» de près d'un million de voix. Un candidat se détache très largement en tête, suivi de ses deux rivaux. Le même que dans le CLCR de Kalamu-Matonge visité juste avant.
La participation est de 35 à 40% un peu partout, relève-t-on.
La coalition autour de l'autre opposant Félix Tshisekedi affirme disposer de son propre centre de «compilation». La coalition au pouvoir autour d'Emmanuel Ramazani Shadary affirme avoir arrêté les opérations dès la coupure internet.