La Turquie a affirmé lundi ne pas être intimidée par les menaces de Donald Trump de «dévaster» l'économie turque en cas d'attaque d'Ankara contre les milices kurdes soutenues par Washington en Syrie après le retrait américain prévu de ce pays.
L'avertissement musclé du président américain est survenu alors qu'Ankara menace depuis plusieurs semaines de lancer une nouvelle offensive contre les Unités de protection du peuple (YPG), un groupe armé kurde considéré comme «terroriste» par Ankara mais appuyé par Washington dans la lutte contre Daesh.
Les Etats-Unis vont «dévaster la Turquie économiquement si elle attaque les Kurdes», a tweeté Donald Trump, qui a aussi appelé à la création d'une «zone de sécurité» de 30 kilomètres, sans plus de précisions sur sa localisation. Il a exhorté par ailleurs les forces kurdes à ne pas «provoquer» Ankara.
«Nous (...) ne serons intimidés par aucune menace. Les menaces économiques ne mèneront à rien», a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, lors d'une conférence de presse à Ankara, estimant que des «partenaires stratégiques ne sont pas censés se parler par Twitter (...). Nos canaux (de communication) sont ouverts».
Il a par ailleurs souligné que la Turquie «n'est pas contre» la création d'une zone de sécurité d'une trentaine de kilomètres de largeur en Syrie évoquée par M. Trump, rappelant que la Turquie avait plusieurs fois réclamé ces dernières années la création d'une telle zone, en vain.
Les YPG sont l'un des principaux sujets de discorde entre la Turquie et les Etats-Unis, deux alliés au sein de l'Otan dont les relations se sont sensiblement dégradées depuis 2016.
Répondant au tweet du président américain, le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, avait déclaré un peu plus tôt : «M. @realDonaldTrump les terroristes ne peuvent pas être vos partenaires et alliés (...) Il n'y a aucune différence entre l'EI (...) et les YPG. Nous continuerons de les combattre tous.»
«Problèmes mineurs»
L'annonce en décembre du retrait américain de Syrie avait été saluée par Ankara qui ne cache pas son intention de lancer une offensive contre les YPG pour empêcher la création à ses portes d'un embryon d'Etat kurde susceptible de raviver les velléités séparatistes kurdes en Turquie.
Mais Ankara avait par la suite réagi vivement à des déclarations de responsables américains selon lesquels les Etats-Unis envisageaient de conditionner le retrait des soldats américains à la sécurité des combattants kurdes.
Une visite la semaine dernière à Ankara du conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, n'a pas permis de surmonter les désaccords, donnant lieu au contraire à une nouvelle passe d'armes entre les deux pays au sujet des forces kurdes.
Les menaces de M. Trump interviennent alors que le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, effectue une tournée au Moyen-Orient, destinée notamment à rassurer les alliés de Washington au sujet du retrait américain de Syrie.
La perspective de nouvelles sanctions économiques contre Ankara a fait chuter la livre turque à l'ouverture lundi, lui faisant perdre plus d'1% de sa valeur face au dollar par rapport à vendredi soir.
Des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis contre la Turquie l'été dernier en raison de la détention d'un pasteur américain avaient provoqué l'effondrement de la devise turque. La libération du pasteur en octobre avait permis à la livre de se redresser.
Si Ankara, l'un des principaux acteurs en Syrie, semble actuellement concentrer ses efforts sur une éventuelle offensive contre les forces kurdes, il est aussi impliqué à Idleb, ultime bastion insurgé du nord-ouest du pays, où il a parrainé avec Moscou en septembre un accord de cessez-le-feu qui a permis d'éviter une attaque du régime.
En dépit de cet accord, les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS) ont étendu leur contrôle sur l'ensemble de la province à la suite d'un assaut contre des factions rebelles soutenues par Ankara.
«Si Idleb est un nid de terroristes, les responsables ce ne sont pas les Syriens qui vivent dans la région ou la Turquie, mais ce sont le régime et les pays qui le soutiennent», a affirmé M. Cavusoglu.
«Le mémorandum d'Idleb a été appliqué avec succès. Nos équipes travaillent ensemble à résoudre les problèmes mineurs», a-t-il ajouté.