Pittsburgh enterre mardi les premières victimes de la pire tuerie antisémite jamais perpétrée aux Etats-Unis, avant de recevoir la visite de Donald Trump et de sa femme Melania qui risquent d'être fraîchement accueillis.
Le président vient «exprimer le soutien du peuple américain» à cette ville meurtrie de Pennsylvanie (est), bien que plusieurs voix se soient élevées pour lui demander de rester à Washington, l'accusant d'avoir désinhibé l'extrême droite avec ses déclarations enflammées. Plus de mille personnes ont indiqué sur Facebook qu'elles participeraient à une manifestation de protestation en marge de sa visite, dans l'après-midi.
Deux frères enterrés
En attendant, l'heure est au recueillement avec les funérailles des premières victimes de Robert Bowers, 46 ans, qui a tué onze fidèles et fait six blessés samedi dans la synagogue Tree of Life avant d'être arrêté. Deux frères unis dans la mort, comme ils l'étaient dans la vie : Cecil et David Rosenthal, 59 et 54 ans, sont tombés ensemble sous ses balles pendant l'office du chabbat, et seront enterrés ensemble dans un cimetière juif de la ville. Vêtus de noir, des habitants endeuillés de Pittsburgh, de toutes confessions ou origines, ont commencé à affluer au petit matin vers la synagogue Rodef Shalom, à environ cinq minutes en voiture de celle victime de l'attaque, pour leur rendre un dernier hommage.
Les deux frères, qui vivaient ensemble dans un foyer pour adultes ayant des déficiences intellectuelles, «n'avaient pas une once de méchanceté en eux», a confié à l'AFP Donald Pasquarelli, un policier ayant souvent assuré la sécurité de la synagogue attaquée, où les frères étaient bien connus. «Ils n'étaient pas des handicapés, mais juste des types super», a-t-il ajouté avec émotion. Comme eux, la plupart des victimes de Robert Bowers étaient des gens vulnérables, pour certains très âgés. Rose Mallinger avait 97 ans, les époux Simon étaient octogénaires... Leurs funérailles sont prévues toute la semaine. «Je voulais juste tuer des juifs», a expliqué leur meurtrier après son arrestation. Inculpé de 29 chefs d'accusation, il encourt la peine de mort.
Le couple présidentiel doit arriver à Pittsburgh quelques heures après l'inhumation des frères Rosenthal. «J'ai hâte» d'y être, a confié Donald Trump lors d'un entretien sur Fox News lundi soir. «J'aurais aimé venir plus tôt mais je ne voulais pas déranger», a ajouté le président qui a vivement condamné la tuerie et a appelé à éradiquer «le poison de l'antisémitisme».
La population de Pittsburgh ne partage pas forcément son enthousiasme : plusieurs personnalités de la communauté juive locale lui ont demandé d'annuler son déplacement et des opposants ont prévu de l'accueillir avec une manifestation. Le milliardaire républicain «n'est pas le bienvenu dans ma ville», a ainsi déclaré Lynnette Lederman, ancienne présidente de Tree of Life, l'accusant d'attiser la haine avec son ton incendiaire.
Le maire démocrate Bill Peduto a de son côté craint que la visite présidentielle ne perturbe le deuil des proches des victimes. «Je pense que ce serait mieux de concentrer nos attentions sur ces familles cette semaine et, s'il doit y avoir une visite, de choisir un autre moment», a-t-il déclaré sur CNN. Mais le rabbin Jeffrey Myers, qui était présent dans la synagogue lors de la fusillade, ne partage pas cette position. «Je suis un citoyen. Il est mon président. Il est bien sûr le bienvenu», a-t-il déclaré lundi.
Venue rendre hommage aux frères Rosenthal avec son époux, Joanna Izenson a confié à l'AFP être à la fois «très triste et en colère». «Il y a toujours eu de l'antisémitisme mais on n'a pas toujours eu un président qui ne faisait rien contre», a-t-elle déclaré, en accusant Donald Trump de ne pas lutter contre l'antisémitisme pour plaire à ses supporteurs.
Le milliardaire républicain a une position ambiguë : sa fille Ivanka est convertie au judaïsme et il mène une politique étrangère clairement pro-israélienne. Mais, il a parfois semblé ménager les suprématistes blancs et il s'en prend souvent à des personnalités juives comme George Soros en utilisant des termes chers à l'extrême droite. Malgré les appels à l'apaisement, M. Trump n'a pas baissé de ton à quelques jours d'élections législatives cruciales pour la suite de son mandat. Lundi il évoquait encore une «invasion» de migrants ou des médias «ennemis du peuple».