Le président américain Donald Trump a accusé lundi les médias «ennemis du peuple» d'être responsables de la «colère» ressentie à travers les Etats-Unis, deux jours après une fusillade sanglante dans une synagogue de Pittsburgh.
Le tireur de 46 ans, Robert Bowers, inculpé de 29 chefs d'accusation dont certains passibles de la peine de mort, doit être présenté lundi en début d'après-midi à un magistrat fédéral, première étape de cette enquête sur la pire attaque antisémite de l'histoire américaine.
Une visite qui ne fait pas l'unanimité
Lundi matin, dans le froid et sous un ciel gris, des voisins venaient se recueillir devant les onze petites étoiles de bois blanches disposées devant la synagogue avec, en lettres noires, le nom de chacune des victimes. La veille, des milliers de personnes, toutes confessions confondues, s'étaient réunies dans cette ville endeuillée pour lancer un message de paix. M. Trump, qui a assuré qu'il se rendrait à Pittsburgh mais n'a donné aucune précision sur la date, a commencé sa journée lundi par une série de tweets à la tonalité particulièrement agressive à l'encontre des journalistes, alimentant les critiques sur son incapacité à se poser en rassembleur dans les périodes de crise.
«Il y a une grande colère dans notre pays liée au traitement erroné, et souvent malhonnête, de l'information», a-t-il lancé. «Les médias Fake News, véritables ennemis du peuple, doivent mettre un terme à leur hostilité ouverte et évidente et rapporter les informations correctement et de manière équitable». La venue annoncée du tempétueux président américain a suscité un vif débat au sein de la communauté juive de Pittsburgh, sur fond de débat sur l'impact de la rhétorique présidentielle sur les actes violents qui secouent l'Amérique.
M. Trump «n'est pas le bienvenu dans ma ville», a affirmé sur CNN Lynnette Lederman, ancienne présidente de la synagogue Tree of Life, l'accusant d'attiser la haine. «Les mots hypocrites qui sortent de sa bouche ne signifient rien pour moi», a-t-elle ajouté. «Nous avons des gens auprès de nous qui croient en nos valeurs, pas seulement les valeurs juives, et ce ne sont pas les valeurs de ce président».
«de la haine»
Le rabbin Jeffrey Myers de la synagogue Tree of Life («L'arbre de vie»), lui, ne partageait pas cette analyse. «Je suis un citoyen. Il est mon président. Il est bien sûr le bienvenu», a-t-il déclaré.
Adam, la cinquantaine, qui a quitté Israël il y a vingt ans pour s'installer à Pittsburgh, connaissait ou avait rencontré toutes les victimes. «Mes enfants n'arrivent pas à comprendre», explique-t-il à l'AFP, devant la synagogue. Donald Trump doit-il venir ? «Cela n'a pas véritablement d'importance», répond-il, jugeant nécessaire de se tenir à l'écart de toute politisation du drame. «Je ne pense pas que ce gars (le tireur) a fait cela à cause du président (...) C'est tout simplement de la haine», ajoute-t-il.
Robert Bowers vivait dans la banlieue sud de Pittsburgh, à moins de trente minutes de route de la synagogue. Selon son acte d'accusation, il a déclaré à la police qu'il «voulait que tous les Juifs meurent et qu'ils (les Juifs) étaient en train de commettre un génocide de son peuple.»
La fusillade, qui a duré vingt minutes, a commencé quand l'homme a fait irruption dans le bâtiment tôt samedi et a ouvert le feu, armé de deux pistolets Glock et d'un fusil d'assaut semi-automatique AR-15. Quatre policiers ont été blessés, dont un grièvement.
Agé de 90 ans, E. Joseph Charny a raconté au Washington Post qu'il priait dans une salle avec d'autres fidèles, quand il a vu un homme apparaître dans l'embrasure de la porte et a entendu des tirs. «J'ai levé les yeux et j'ai vu tous ces cadavres,» a raconté M. Charny, un psychiatre à la retraite qui fréquente la synagogue Tree of Life depuis 1995.