Ce devrait être la plus grande grève de prisonniers de toute l'histoire du pays. Partout aux Etats-Unis, des détenus américains ont décidé de refuser de travailler afin de protester contre leurs conditions de détention, qui, disent-ils, s'apparentent à de «l'esclavage moderne».
Démarré ce mardi 21 août, le mouvement devrait durer jusqu'au 9 septembre prochain, dans une vingtaine d'États.
Une date qui n'a pas été choisie au hasard puisqu'elle commémore le début de la pire émeute carcérale survenue aux États-Unis, celle d'Attica, dans le nord de l'État de New York, en septembre 1971.
Dans une Amérique encore très marquée par la ségrégation raciale, les prisonniers d'Attica, presque tous noirs ou portoricains, avaient pris en otage une cinquantaine de gardiens, tous blancs et d’origine modeste, afin d'alerter sur leurs conditions d'incarcération et dénoncer les mauvais traitements à leur égard.
Aujourd'hui, d'après Jailhouse Lawyers Speak, un cabinet d'avocats spécialisé dans la défense des prisonniers américains à l'origine du mouvement, la situation ne serait pas plus enviable puisque, dit-il, «il s’agit fondamentalement d’un problème de droits humains».
Dans son préavis de grève, mis en ligne le 12 août dernier, l'Organisation justifiait ainsi le mouvement à venir par le fait «que les prisonniers n'en peuvent plus d'être traités comme des animaux».
Pire, Jailhouse Lawyers Speak n'hésitait pas à qualifier les établissement pénitentiaires américains de «zones de guerre», tant, «chaque jour, des dizaines de prisonniers sont blessés ou tués en raison de leurs conditions de détention».
contraints de travailler pour un salaire dérisoire
Si les signataires ont dressé une liste de 10 revendications principales, allant de la fin des détentions à vie sans possibilité de libération conditionnelle à la conservation du droit de vote pour les prisonniers ayant purgé leur peine, en passant par la fin du traitement inégal et raciste subi par les personnes racisées, l'accent est surtout mis sur une demande bien particulière : la fin immédiate du travail forcé en échange de salaires dérisoires.
Selon les chiffres officiels, plus de 800.000 détenus américains sont en effet contraints de travailler quotidiennement pour un salaire estimé à 20 centimes de dollars l'heure (environ 17 centimes d'euros). En Louisiane, c'est même 4 cents (3,4 centimes d'euros) de l'heure.
Des tâches qui consistent le plus souvent à cuisiner, nettoyer, ou faire la lessive. Or, comme l'explique Amina Sawari, l'une des porte-parole des détenus en colère, «le principal levier des prisonniers est leur propre corps».
«Une prison, dit-elle, ne peut en effet pas fonctionner sans ce travail fourni par les prisonniers». D'ailleurs, pour montrer leur détermination, des grèves de la faim et des sit-ins, pourront également être organisés, en plus des arrêts de travail.
«Pour certains d'entre nous, c'est comme si nous étions déjà morts, alors qu'est-ce que nous avons à perdre ?», ont d'ores-et-déjà prévenu les prisonniers en colère.
Soutien de l'ACLU
Leur mouvement est soutenu par l'ACLU, puissante organisation de défense des droits civiques, pour laquelle «les gens courageux qui attirent l'attention sur la politique d'incarcération de masse des Etats-Unis (...) méritent notre admiration».
«Nous demandons à l'administration pénitentiaire de ne pas répondre par des mesures de représailles», ajoute dans un communiqué Udi Ofer, directeur de la campagne de l'ACLU pour une justice équitable.