Quand, dans un peu plus d'un an, la ville japonaise de Kamaishi accueillera le Mondial de rugby, l'émotion sera forte pour ses habitants qui ont perdu plus d'un millier des leurs lors du tsunami de mars 2011.
Le stade, bâti sur les ruines de deux écoles emportées par le raz-de-marée mais dont les plus de 400 élèves ont survécu en fuyant deux kilomètres dans la montagne, a été inauguré dimanche dans cette ancienne cité minière du nord-est de l'archipel nippon. Un puissant symbole d'espoir et de résistance.
Parfois appelée «la ville du rugby» pour ses liens avec le ballon ovale, Kamaishi et ses 34.000 habitants se sont tournés vers le sport pour trouver la force de se redresser après le désastre.
Au début des années 1980, le club local, Nippon Steel Kamaishi RFC, avait remporté sept titres nationaux d'affilée, gagnant le surnom «d'hommes de fer du Nord». Les «Kamaishi Seawaves» ont par la suite pris le relais, et la ville s'est unie autour d'eux à la suite du traumatisme du 11 mars 2011.
«Courez»
A Kamaishi, les souvenirs de la catastrophe sont partout. Du stade flambant neuf, le Kamaishi Unosumai Memorial Stadium, partent deux chemins d'évacuation qui serpentent dans les collines, et à quelques centaines de mètres des poteaux, des ouvriers reconstruisent des digues de protection.
Des panneaux viennent rappeler le niveau atteint par la vague, et un poignant mémorial appelle à ne pas oublier: «Courez, courez vers les hauteurs... et dites aux futures générations qu'un tsunami est monté jusqu'ici».
Quand le tremblement de terre a frappé, Akiko Iwasaki, propriétaire d'un ryokan (auberge traditionnelle japonaise) qui donne directement sur l'océan, a tenté de fuir, se souvenant des conseils de sa grand-mère quand elle était petite. Mais à peine était-elle parvenue au parking qu'elle fut rattrapée par un mur d'eau qui emporta les voitures et un mini-bus.
«Nous avions une magnifique plage de sable blanc. Nous l'avons perdue et presque tous les bâtiments ont été détruits», se souvient l'énergique femme de 62 ans, qui a miraculeusement survécu.
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Mme Iwasaki a reconstruit son hôtel notamment grâce à l'aide de bénévoles étrangers, et voit dans le Mondial de rugby l'occasion de les remercier et de leur faire découvrir la beauté de cette région montagneuse.
«Pour nous, la Coupe du monde insuffle un sentiment d'espoir, ouvre une porte vers l'avenir. Nous voulions vraiment accueillir cet événement pour offrir de l'espoir aux enfants», confie-t-elle.
«Excellent alcool»
Takeshi Nagata, 35 ans, ancien demi de mêlée des «Seawaves», se réjouit lui aussi à l'idée d'accueillir des milliers d'amoureux du rugby à l'automne 2019. «Au moment du désastre, nous avons reçu un tel soutien d'autres régions du Japon et de l'étranger, donc nous avons vraiment envie de montrer à tout le monde que nous allons bien et que nous avons su nous relever», lance-t-il.
Le stade, d'une capacité de 6.000 sièges, sera agrandi pour l'occasion: 16.000 spectateurs pourront y prendre place pour le match Fidji-Uruguay prévu le 25 septembre 2019 et une rencontre opposant la Namibie à une équipe encore indéterminée le 13 octobre.
Lors du match d'ouverture dimanche, les Seawaves ont perdu 29-24 contre Yamaha Jubilo, un club de première division nippone où évolue Ayumu Goromaru, une des stars de l'étonnant parcours du Japon au Mondial-2015. Les Brave Blossoms avaient alors fait sensation en s'offrant les Springboks.
«Etre ici aujourd'hui était très important pour nous», dit-il, plein d'enthousiasme à un an de la compétition. «Depuis que nous avons remporté en 2015 une victoire historique (contre l'Afrique du Sud), les fans de rugby sont beaucoup plus nombreux au Japon et recevoir la prochaine Coupe du monde ne fait qu'accentuer cet intérêt», souligne l'arrière vedette.
Mais les supporteurs étrangers feront-ils le voyage jusqu'à Kamaishi, situé à 04h30 de Tokyo par train ?
L'ex-joueur Takeshi Nagata n'a pas l'ombre d'un doute: «Nous avons de l'excellent alcool ici», sourit-il.