Elles menacent le rugby comme jamais : les commotions cérébrales, malgré les mesures de protection prises récemment pour limiter leurs conséquences, remettent en question les fondamentaux de ce sport de contact, en deuil après le décès d'un jeune joueur d'Aurillac vendredi soir.
Qu'est-ce qu'une commotion cérébrale?
Une commotion cérébrale est un traumatisme crânien engendrant un dysfonctionnement temporaire du cerveau. Si le KO est le symptôme le plus évident (le joueur a les yeux fermés et ne répond plus), il n'est pas le seul : changement de comportement évident, convulsions, étourdissements, perte de concentration et de mémoire, confusion, maux de tête, vision floue, nausées sont autant de signaux sur lesquels les médecins peuvent se baser pour établir leur diagnostic.
Ce genre de chocs peut avoir des conséquences graves sur le fonctionnement du cerveau, même si des désaccords persistent dans le monde scientifique sur leur impact réel.
Quels sont les mesures de protection mises en place dans le rugby?
Un protocole commotion a été institué en 2012 pour permettre au corps médical d'examiner chaque joueur susceptible d'avoir subi une commotion cérébrale pendant les rencontres. Trois questionnaires baptisés HIA (Head Injury Assessment) et comprenant notamment des tests de mémoire et d'équilibre sont prévus. Dans l'immédiat, «HIA 1», réalisé au bord du terrain, doit permettre d'autoriser ou d'interdire le retour du joueur dans le match. Dans les trois heures qui suivent, «HIA 2» permet au médecin de réévaluer l'examen neurologique mais la gravité de la commotion ne peut être établie qu'après 48h, et deux nuits de repos, avec «HIA 3».
Ce socle a été renforcé récemment par plusieurs dispositions: depuis 2017, un joueur sorti sur protocole commotion a interdiction de revenir avant 10 minutes de jeu et, en juillet, la Fédération française (FFR) et la Ligue (LNR) ont annoncé que les équipes professionnelles pourraient effectuer jusqu'à 12 changements par match, contre 8 actuellement, afin de limiter les blessures. L'arbitre pourra également adresser un carton bleu à un joueur.
Pourquoi y a-t-il malgré tout plus de cas graves?
Les commotions cérébrales confirmées ont doublé (+92%) entre 2012-2013 (53) et 2016-2017 (102). L'attention portée au phénomène y est pour beaucoup. Mais dans un sport toujours plus exigeant physiquement, avec des athlètes de plus en plus musclés, la violence des chocs augmente logiquement : «Il faut absolument se pencher sur le problème de la biologie et de la physiologie des sportifs», réclame, contacté par l'AFP, le professeur Jean Chazal, qui estime insuffisantes les mesures proposées par les dirigeants français.
«On augmente les remplaçants. Est-ce qu'on n'augmente pas les risques de blessure ?», interroge le neurochirurgien de Clermont-Ferrand qui vient de prendre sa retraite. En septembre, après une phase finale de Top 14 marquée par la violence des chocs, Chazal avait déjà tiré la sonnette d'alarme, disant craindre un décès en plein match. «On se rapproche de la mort sur le terrain. J'avais tristement raison», déplore-t-il.
Les jeunes joueurs sont-ils particulièrement en danger?
Les cas les plus marquants cette année concernent tous des jeunes joueurs : avant Louis Fajfrowski, décédé vendredi à l'âge de 21 ans, le Clermontois Samuel Ezeala, 18 ans, avait dû être soigné au milieu du terrain en janvier après un choc avec Virimi Vakatawa, et un joueur de Billom âgé de 17 ans avait été retrouvé mort en mai dans son lit au lendemain d'un match.
«En moyenne, le corps n'est complètement arrivé à maturité qu'à l'âge de 21 ans. Et puis, la maturité cérébrale n'est totalement acquise qu'à l'âge de 25 ans. Donc, à 21 ans, on a un problème de maturité physiologique, même s'ils ont commencé très tôt et sont super entraînés», explique Chazal, qui a suivi Ezeala.