Israël a mené dans la nuit de mercredi à jeudi des dizaines de raids aériens meurtriers contre des cibles présentées comme iraniennes en Syrie, affirmant agir en représailles à des tirs de roquettes, une escalade qui a alarmé la communauté internationale.
Si leur paternité était confirmée, ces tirs de roquettes attribués à l'Iran serait une première contre des positions israéliennes dans le cadre de la confrontation de plusieurs décennies entre les deux ennemis. La riposte israélienne est elle d'une vigueur exceptionnelle sur le sol syrien depuis le début de la guerre civile en 2011.
Alors que la région est plus que jamais sous tension après l'annonce par Donald Trump du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, les frappes israéliennes marquent une «nouvelle phase» dans la guerre ravageant la Syrie depuis sept ans, a clamé le régime de Bachar al-Assad.
«L'escalade des dernières heures nous montre qu'il y va vraisemblablement de la guerre ou de la paix», a prévenu la chancelière allemande Angela Merkel.
Plusieurs experts interrogés par l'AFP ont souligné qu'un pas avait effectivement été franchi dans l'hostilité israélo-iranienne en Syrie. Mais le point de non-retour n'est pas atteint, et la Russie a un rôle déterminant à jouer, ont-ils jugé.
Intervenant majeur en Syrie en soutien au régime de Damas, Moscou a justement dit avoir pris contact avec toutes les parties, et les avoir appelées à la «retenue».
Sans surprise, à Washington, la Maison Blanche a dénoncé les «attaques provocatrices» de l'Iran et réaffirmé le «droit d'Israël à agir pour se défendre».
Le ministère allemand des Affaires étrangères a dénoncé une «provocation» de Téhéran, tandis que le président français Emmanuel Macron a appelé à la «désescalade».
Israël a assuré ne pas chercher une telle escalade, tout en se déclarant prêt à tous les scénarios. Téhéran a gardé le silence.
Selon les Israéliens, al-Qods, la brigade iranienne pour les opérations extérieures, a tiré peu après minuit (21H00 GMT mercredi) une vingtaine de roquettes de type Fajr et Grad vers les premières positions sur la partie du Golan occupée par Israël, de l'autre côté de la ligne de démarcation.
C'est la première fois depuis le début en 2011 de la guerre en Syrie et de l'engagement iranien dans ce pays voisin d'Israël que l'Etat hébreu impute de telles frappes à l'Iran.
Ces roquettes iraniennes n'ont pas fait de victimes: quatre des projectiles ont été interceptés par les systèmes de défense anti-aériens, et les autres sont tombés en dehors d'Israël, a affirmé l'armée israélienne.
Selon le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, un porte-parole, l'armée israélienne a riposté en lançant l'une de ses opérations aériennes les plus importantes des dernières années, «certainement la plus importante contre des cibles iraniennes».
Détonations à Damas
L'aviation a frappé le lance-roquettes d'où étaient partis les projectiles, dans la périphérie de Damas, ainsi qu'environ 70 cibles militaires iraniennes, sites de renseignement, de logistique, de stockage, postes d'observation à travers toute la Syrie, a-t-il dit.
Ces frappes ont tué au moins 23 combattants, dont 18 étrangers, a dit l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), ONG qui dispose d'un vaste réseau d'informateurs à travers la Syrie.
«Mon mari est sorti sur le balcon et a vu les défenses anti-aériennes en action», a dit Rim, 27 ans, réveillée avec sa famille par les explosions dans un quartier ouest de Damas.
Cité par l'agence Interfax, le ministère russe de la Défense a affirmé que l'armée israélienne avait tiré environ 70 missiles, dont une soixantaine à partir des 28 avions F-15 et F-16 qu'elle a engagés.
La défense anti-aérienne syrienne a détruit plus de la moitié des 70 missiles, a-t-il ajouté.
Tous les appareils israéliens sont rentrés indemnes à leur base après avoir atteint les objectifs retenus, a déclaré le porte-parole de l'armée israélienne.
Selon lui, il faudra des mois et peut-être plus aux Iraniens pour reconstituer le potentiel détruit.
Les missiles israéliens ont touché des bases «qui appartiendraient au Hezbollah libanais au sud-ouest (...) de Homs, ainsi que Maadamiyat al-Cham, à l'ouest de Damas, où se trouvent des combattants iraniens ainsi que du Hezbollah et de la 4e brigade» de l'armée syrienne, a précisé l'OSDH.
«Nous ne cherchons pas l'escalade», a fait valoir le lieutenant-colonel Conricus. Mais il a prévenu que toute nouvelle tentative iranienne de s'en prendre à Israël appellerait une réponse vigoureuse.
«Ils ont déjà payé le prix cette nuit, mais l'option est là qu'ils paient encore plus cher».
«Alerte élevée»
Israël reste en «état d'alerte élevé», mais entend que les civils du Golan continuent à travailler et à vivre normalement, les seules instructions consistant à ne pas organiser de rassemblement de plus de 1.000 personnes et à rester attentifs aux consignes du commandement militaire, a dit le porte-parole militaire israélien.
Sur le Golan, après les sirènes de la nuit, la vie donnait toutes les apparences d'être revenues à leur cours ordinaire.
«La nuit dernière a été agitée, mais c'est derrière nous. C'est fini maintenant, le soleil brille et tout est normal», a dit Joanne Klein, 46 ans, une habitante de Merom Golan.
Israël se tenait prêt depuis des semaines à une réaction à une série d'au moins trois opérations depuis début avril contre des intérêts iraniens en Syrie, dans lesquels de nombreux combattants iraniens auraient été tués.
L'Etat hébreu, qui reste officiellement en état de guerre avec la Syrie, affirme s'employer à rester à l'écart de la guerre chez son voisin. Mais il observe avec grande inquiétude le soutien apporté au régime Assad par deux de ses bêtes noires, le Hezbollah libanais et l'Iran.
Israël s'alarme de l'expansion iranienne et ne cesse de proclamer qu'il ne permettra pas à la République islamique de se servir de la Syrie comme tête de pont contre lui.
Au cours des derniers mois, il a mené des dizaines de raids contre des positions syriennes, le Hezbollah et, de plus en plus, les forces iraniennes.
Les tensions ont été avivées par la querelle sur le nucléaire iranien. Israël se considère comme la cible désignée d'un Iran qui serait doté de l'arme atomique, et son Premier ministre Benjamin Netanyahu a mené une vigoureuse campagne contre l'accord de 2015, jusqu'à sa fracassante dénonciation mardi par le président américain Donald Trump.
Israël a annexé en 1981 la partie du Golan (1.200 kilomètres carrés) qu'il occupait depuis 1967 et la guerre des Six Jours. Cette annexion n'est pas reconnue par la communauté internationale, qui considère toujours le territoire comme syrien. Environ 510 kilomètres carrés restent sous contrôle syrien.