Viktor Orban sort renforcé de l'écrasante victoire, dimanche, de son parti national-conservateur aux élections législatives hongroises, qui va lui offrir un troisième mandat consécutif, lui laissant toute latitude pour amplifier la centralisation des pouvoirs et poursuivre ses passes d'armes avec l'UE.
Le succès du Premier ministre le plus controversé d'Europe est sans appel : sur la quasi-totalité des bulletins dépouillés, et avec une forte mobilisation des électeurs, le parti Fidesz obtient 48,8% des voix, avec près de trente points d'avance sur le Jobbik, formation d'extrême droite qui a abandonné la rhétorique xénophobe.
Ce résultat laisse bon espoir à la future majorité de décrocher 133 sièges sur les 199 du parlement hongrois et donc une nouvelle "super-majorité" des deux-tiers, comme en 2010 et 2014, qui permet de faire voter des changements constitutionnels.
"Le pays est orange", la couleur du Fidesz, constatait en Une, dans la nuit de dimanche à lundi, Index.hu, l'un des principaux sites d'information d'une presse hongroise dont le Premier ministre est accusé d'avoir étouffé le pluralisme, au cours de ses huit dernières années de mandat.
Ses interlocuteurs européens ne se sont pas précipités pour féliciter le dirigeant de 54 ans dont les diatribes nationalistes contre "l'invasion migratoire", le multiculturalisme et l'ingérence supposée de "Bruxelles" constituent un casse-tête pour une partie des Etats-membres.
- Alliances -
Mais Viktor Orban n'est pas isolé. Lui qui a érigé dès 2015 des centaines de kilomètres de clôture barbelée pour bloquer les réfugiés, qu'il assimile à des "terroristes" en puissance, s'estime conforté par le durcissement perceptible de la politique migratoire de plusieurs capitales européennes.
Déjà allié avec plusieurs pays d'Europe centrale -dont la Pologne- dans sa croisade souverainiste, il a affirmé vouloir travailler avec l'Italie et l'Autriche à une alliance de pays hostiles à l'immigration musulmane. A Vienne, une coalition entre les conservateurs et l'extrême-droite est au pouvoir depuis décembre. A Rome, la Ligue de Matteo Salvini, formation d'extrême droite, est leader de la coalition de droite arrivée en tête au scrutin du 4 mars.
"L'inversion des valeurs et l'immigration de masse prônées par l'UE sont à nouveau rejetées", s'est réjouie dimanche sur twitter la patronne du Front national français, Marine le Pen, en écho aux félicitations du chef de file de l'opposition aux Pays-Bas, le député anti-islam Geert Wilders, visiteur régulier de Viktor Orban à Budapest.
"C'est un raz-de-marée pour le Fidesz, qui donne à M. Orban une énorme légitimité en raison du taux de participation élevé, y compris au plan international", a estimé pour l'AFP le politologue Daniel Hegedus, de l'observatoire des libertés Freedom House, prédisant un renforcement "des attaques contre la frange critique de la société civile".
- Liste d'ennemis -
Depuis 2010, le parti Fidesz a muselé de nombreuses institutions et contre-pouvoirs du pays, comme les médias et la justice, mais aussi l'économie et la culture. Le tout légalement, grâce à sa super-majorité au parlement et sans s'émouvoir des critiques de la Commission européenne et de nombreux observatoires internationaux.
Avant l'élection, le Premier ministre avait dit vouloir prendre des mesures "morales, politiques et juridiques" contre ses adversaires dans la foulée des législatives. Il avait également assuré disposer d'une liste de 2.000 personnes payées pour renverser son gouvernement.
"Nous savons exactement qui ils sont, nous savons leurs noms, pour qui et comment ils travaillent", avait-il menacé visant spécifiquement les ONG financées par le milliardaire américain d'origine hongroise George Soros, dont il a fait son bouc-émissaire au prix d'une campagne aux relents antisémites.
Un nouveau paquet de mesures, prévu pour l'après-législatives et baptisé "Stop Soros", envisage de taxer les ONG "qui soutiennent l'immigration", un concept vague.
Malgré une légère majorité d'électeurs se prononçant dans les enquêtes d'opinion pour un changement de gouvernement, l'opposition n'a pas réussi à capitaliser sur cette lassitude envers les outrances du dirigeant.
Dénonçant la déliquescence des services publics de santé, l'émigration des jeunes, les pratiques douteuses et le clientélisme des cercles du pouvoir, notamment dans l'usage des fonds européens, la gauche et les libéraux, éparpillés entre plusieurs formations concurrentes, ne sont pas apparus comme des alternatives crédibles.