L'armée turque encerclait mardi la ville syrienne d'Afrine cible depuis près de huit semaines d'une offensive lancée avec des supplétifs syriens pour déloger une milice kurde de Syrie considérée «terroriste» par Ankara mais soutenue par Washington.
Cette progression des forces pro-turcs dans le nord-ouest de la Syrie suscite les craintes d'un nouveau drame humanitaire en Syrie, où la guerre se poursuit sans répit depuis sept ans sur plusieurs fronts, comme celui de la Ghouta orientale, dernier bastion rebelle aux portes de Damas théâtre d'une offensive meurtrière du régime. Mardi, l'armée turque a dit avoir achevé l'encerclement de la ville d'Afrine, principal objectif de l'offensive qu'elle a lancée le 20 janvier contre la force kurde des Unités de protection du peuple (YPG).
Elle n'a pas fourni plus de détails. «La ville est encerclée dans sa quasi-totalité», a indiqué à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui dispose d'un vaste réseau d'informateurs à travers le pays.
La seule route encore ouverte entre l'enclave et les zones sous contrôle du régime étant «à portée de feu» des forces turques, précise l'OSDH. Après plusieurs semaines de progression laborieuse, les militaires turcs et leurs alliés ont pris ces derniers jours plusieurs localités situées aux abords de la ville d'Afrine.
Vendredi, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait affirmé que les forces d'Ankara pourraient entrer «à tout moment» dans la ville. Plus de 200 civils ont déjà été tués depuis le début de l'opération turque, selon l'Observatoire. Ankara dément pour sa part cibler les populations. Les combattants kurdes ont annoncé la semaine dernière le redéploiement de 1.700 des leurs dans la région d'Afrine. Le régime syrien a de son côté envoyé des hommes pour soutenir les YPG à leur demande.
Si la Turquie considère les YPG comme un groupe «terroriste», les Etats-Unis soutiennent ces combattants kurdes qu'ils considèrent comme le meilleur rempart en Syrie contre Daesh. Observateurs et ONG se disent inquiets face à l'éventualité d'un assaut sur Afrine, qui compte quelque 350.000 habitants. Lundi, plusieurs centaines d'entre eux ont fui la ville craignant un siège asphyxiant ou un assaut imminent, selon l'OSDH.
Évacuations dans la Ghouta
La situation est également dramatique sur un autre front de la guerre: dans la Ghouta orientale, enclave rebelle aux portes de la capitale que les forces du régime étouffent chaque jour davantage depuis cinq ans. Le régime de Damas y a lancé une offensive aérienne et terrestre qui a fait 1.185 morts parmi les civils depuis le 18 février, et en contrôle désormais près de 60%, d'après l'Observatoire.
Plus de 1.000 personnes ont besoin d'une évacuation médicale urgente dans la partie rebelle de la Ghouta, ont affirmé lundi les Nations unies. Ils «doivent urgemment être évacués (...). Il s'agit, en majorité, de femmes et d'enfants», a indiqué Linda Tom, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) à Damas.
Selon l'Ocha, figurent 77 «cas prioritaires» parmi le millier de malades ou blessés nécessitant une sortie urgente du bastion rebelle encerclé. Mardi, le Croissant-Rouge syrien s'apprêtait à évacuer plusieurs cas médicaux urgents de l'enclave. Selon le chef du bureau politique du groupe Jaich al-Islam, Yasser Delwane, l'une des deux principales factions insurgées de la Ghouta, «des cas médicaux critiques doivent être évacués mardi via le point de passage de Wafidine».
Jaich al-Islam avait fait état lundi d'un accord négocié «par l'intermédiaire de l'ONU avec la Russie (...) pour évacuer les blessés». Principal point de passage entre l'enclave rebelle et la capitale Damas, Wafidine est situé au nord-est de la ville de Douma, la plus grande ville du dernier fief insurgé. Des ambulances du Croissant-Rouge syrien étaient stationnées à la lisière de la zone sous contrôle de l'armée syrienne prêts à entrer dans l'enclave, selon la correspondante de l'AFP.
Elle a ajouté que des équipes de l'ONU étaient aussi arrivées au passage de Wafidine, notamment le coordinateur humanitaire de l'ONU en Syrie, Ali al-Zaatari. «Des blessés et autres cas dans un état de santé critique vont être évacués ce jour (mardi) avec des civils», a de son côté indiqué une source de l'armée syrienne sans préciser leur nombre.
Il a ajouté que «les hommes armés n'étaient pas concernés par ces évacuations», en allusion aux combattants rebelles, sans plus de précisions. La guerre en Syrie, qui entre le 15 mars dans sa huitième année, a fait plus de 350.000 morts, d'après l'OSDH.